L'école Fantôme
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Sur le ton polémique expliqué, probablement, par l'enfermement" dans lequel il vit, Robert Redeker explicite la triple crise que traverse notre société : la crise de l'enseignement, la crise de l'école, la crise de l'éducation.
La crise de la langue, devenue une "langue journalistique qui carbure au mimétisme" sans syntaxe correcte vient en écho de la crise de l'école (il n'évoque d'ailleurs pas l'envahissement du franglais!). Or, la langue est une" étoffe de la vie intérieure et non pas une annexe de la technique communicationnelle. "
La principale démonstration de l'auteur consiste à s'indigner du nouveau rôle de l'école qui s'est insidieusement imposé au fil des ans. Au lieu d'une découverte ardue des grands auteurs, exercice qui façonne l'âme de l'élève grâce à des professeurs investis dans leur mission de maitre, l'on est en présence de pédagogues qui enseignent des savoirs techniques, des moniteurs multitâches, des aides-éducateurs, des gentils organisateurs de vivre ensemble.
La véritable école est une école du loisir au sens grec qui, loin du brouhaha de la Cité, doit "attacher les jeune au fil d'Ariane des œuvres qui traversent l'histoire". Or, il s'agit aujourd'hui de décloisonner les disciplines, d'ouvrir l'école à la cacophonie des intervenants extérieurs, d 'abaisser le niveau moyen pour donner corps à l'égalité, en bridant les plus doués.
Alors que l'école est un "creuset alchimiste" qui devrait permettre à chaque élève, quelle que soit son origine ou sa religion, de s'imprégner de la vraie culture, aujourd'hui l'on bourre les élèves d'activités en prenant pour référence des chanteurs, des sportifs, des journalistes.
Plus grave, au delà ou en deçà de ces crises, il s'agit d'une crise de l'homme. L'on ne sait plus ce qu'est la vie humaine pas plus que la mort humaine. "Au lieu de réussir sa vie, il est question de réussir dans la vie."
Ainsi l'école est devenu un fantôme, à savoir une apparence, sans la consistance, l'extérieur sans l'intérieur. Mais le fantôme exige la réincarnation! Vaste programme...
Points forts
Robert Redeker nous permet de mieux mesurer la dégradation qui affecte l'école et l'enseignement. L'égalité républicaine consistait à donner à chaque élève la possibilité par l'exemple et le travail d'acquérir une vrai culture, en s'imprégnant des grands auteurs. Le mot "élève" est la racine d'élévation. Il y a dans l'évocation de cette époque révolue, une puissante nostalgie et une révolte sincère de l'auteur.
Celui-ci énumère sans pitié toutes les démagogies (de Bourdieu à Meirieu - en égratignant au passage la ministre Belkacem) qui ont déconstruit l'école, nivelé les "apprenants" par le bas. Il puise dans les philosophes des références bienvenues qui explicitent la trahison de l'institution "éducation nationale".
Quelques réserves
Il y a une forme de hargne dans le propos de Robert Redeker qui le classe comme un réactionnaire qui voudrait faire du présent table rase. Il est possible de savourer cet élitisme outrancier mais ce serait méconnaitre beaucoup des réalités de notre temps : prédominance de l'anglais, le numérique, les formations professionnelle, l'impossibilité d'un moule unique.
Le style est parfois brouillon et de nombreuses répétitions altèrent la clarté du récit.
L'exagération de la démonstration finit par l'affaiblir alors qu'il y a des leçons utiles à tirer de l'analyse de R. Redeker.
Encore un mot...
Même si on partage plusieurs points du diagnostic concernant la crise de l'enseignement, le caractère excessif du propos est décourageant. Surtout, pratiquement aucune piste n'est tracée pour aller dans le sens d'une refondation ou même de quelques améliorations. On peut classer M; Redeker au nombre des auteurs qui s'illustrent par des diagnostics implacables ( Zemmour, Ph. de Villiers etc...) mais ne définissent pas des voies et moyens pour remédier à la situation.
Nous attendons des trajectoires d'espérance et des pistes d'actions, pas des lamentations stériles
Une phrase
- Steiner : "c'est cette aptitude à juger dans l'ombre du passé qui s'appelle la culture. "
- "La France est une nation dont la bibliothèque est l'âme véritable." p34
- Kiezkegard: "ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est le chemin."
- "L'on transforme l'or professoral en plomb pédagogique". p72
- "L'idée de métier dénature et pervertit les études" p106
- "L'improductivité comme loi fondamentale de l'école". p110
- "La culture de masse est une machine à faire du vide, à évider de l'intérieur" p 183
L'auteur
Né en 1954, Robert Redeker a été élevé dans le sud-Ouest par des parents ouvriers agricoles allemands ayant fui le nazisme. En 1980 il devient professeur de philosophie et enseigne dans des lycées de la région de Toulouse. Il est membre de la revue des Temps Modernes et de la revue "Des lois et des Hommes" et tient des chroniques dans "Sport actu" et "Culture Droit".
Très fécond, Robert Redeker a pratiquement publié un livre par an, notamment "l'Emprise sportive" en 2012, "Le soldat impossible" en 2014, "Bienheureuse vieillesse" en 2015.
Il fait l'objet de menaces de mort en 2006 à la suite d'un texte publié dans le Figaro, intitulé: "Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre?". Il y stigmatise le Coran et Mohamet. Une polémique violente s'en suit et des auteurs de menaces à son encontre sont condamnés. Mis en danger, M. Redeker doit renoncer à l'enseignement et travaille pour le CNRS.
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