« Madeleine, Résistante ». Tome 1 La rose dégoupillée 2021. Tome 2 L'édredon rouge 2023. Tome 3 Les nouilles à la tomate 2024
380 p.
23,5 € par tome
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Thème
En 1994, Raymond Aubrac, résistant et mari de Lucie Aubrac, convainc Madeleine Riffaud de témoigner par écrit de sa jeunesse de résistante, ce qu'elle n'avait encore jamais fait. Elle y réfléchit, rassemble ses souvenirs, puis prend la parole.
En 2018, Jean David Morvan lui fait part de son souhait de traduire ces épisodes de sa vie en bande dessinée. Le projet prend corps pour se matérialiser dans une bande dessinée "fleuve" de 380 pages, en 3 tomes, chacun correspondant à un moment de la vie de Madeleine : enfance et jeunesse dans la Somme, l'exode, le sanatorium ; son entrée en résistance en 1942 avec un groupe d'étudiants parisiens, son ascension dans le mouvement ; son arrestation par la Milice et la Gestapo en 1944, la violence de sa détention, son incroyable sortie de prison et sa participation aux derniers combats pour la libération de Paris.
Madeleine, Rainer de son nom de Résistante en hommage au poète Rainer Maria Rilke, raconte ces années intenses où, de 17 à 20 ans, beaucoup de ses camarades donnèrent leur vie pour rendre à la France sa liberté et sa dignité.
Cette histoire est éditée en grand format, 23/30, illustrée de dessins tout en nuances de bleu et de noir.
Points forts
Cette bande dessinée cumule les points forts :
L'histoire elle-même, aussi vraie qu'incroyable, est racontée par celle qui l'a vécue. Les dialogues, les textes contextuels, les réflexions rétrospectives de Madeleine sont nombreux, parfois originaux dans leur forme, et très bien écrits. Tous les personnages mis en scène ont existé, leur histoire étant également authentique.
Le scénario, remarquablement construit, sublime le récit chronologique tout en conservant ses forces, mêlant époques et souvenirs tout en accordant aux épisodes de la vie de résistante de Madeleine des plages de temps proportionnelles à l'intensité des moments vécus.
Le traitement graphique est très soigné, présentant des personnages expressifs, avec une Madeleine ressemblant effectivement à la jeune femme qu'elle était dans les années 40, et de belles représentations de Paris sous l'Occupation. Le parti pris d'une histoire entièrement colorée en bleu marie des images d'ambiance et des scènes d'action, sans un excès de détails qui pourraient paraître voyeuristes, compte tenu de la violence des situations.
La mise en page, pourvue d'excellents cadrages, est très réussie. Elle associe à chaque ouverture de chapitre des pleines pages très graphiques et des portraits de personnages, majoritairement Madeleine.
De nombreux chapitres sont conclus par des poèmes, écrits par Madeleine Riffaud en écho aux différents moments de sa vie, en hommage à ses amis décédés. Ses poèmes ont par ailleurs été édités en 1973 sous le titre du Cheval Rouge.
Enfin, en ouverture et à la fin du tome 1, lisez le "making of" de cette aventure éditoriale, racontée par Jean David Morvan et mise en images par Dominique Bertail.
Quelques réserves
Absolument aucune réserve pour cette bande dessinée qui devrait être offerte à tous les jeunes de 17 ans !
Introduisons cependant une nuance. Ses auteurs donnent une place importante à l'arrestation, à la détention et aux violences subies par Madeleine et ses compagnons. Ces scènes, situées en fin de tome 2 et au cœur du tome 3, sont dures mais sont la traduction nécessaire de ce que furent les conditions de détention et d'exécution des résistants lors de la seconde guerre mondiale.
Encore un mot...
Les éloges pour Madeleine Résistante se sont accumulés dans les lignes qui précèdent. Que dire de plus ? Cette bande dessinée et cette histoire vécue sont tout simplement remarquables par la force du témoignage et la trace de ces vies clandestines, réhabilitées par la magie du 9ème art. Car ce roman graphique raconte la résistance ordinaire, le courage du quotidien, les actes de bravoure, les sacrifices et le prix du secret ; mais aussi les lâchetés des collaborateurs et la violence de l'occupant. A une génération qui lit de moins en moins, ce récit offre l'opportunité de plonger dans une époque où beaucoup de jeunes résistants s'espéraient encore en vie, au mieux, à un horizon de 15 jours. A travers le personnage de Madeleine, cette bande dessinée à la réalisation graphique particulièrement soignée, rend parfaitement compte de leur détermination, de leur solidarité, de leurs angoisses, en particulier, celle de ne pas trahir sous la torture.
Cette trilogie est aussi remarquable par le courage authentique de son héroïne, Madeleine Riffaud. Pour elle, pour tous les résistants de la seconde guerre mondiale, pour tous les Compagnons de la Libération, il est vital de le rappeler et de le transmettre. C'est une autre qualité majeure de cette publication.
Une illustration
L'auteur
Madeleine Riffaud est décédée le 6 novembre 2024 à l'âge de 100 ans. Résistante à 17 ans, amie d'Eluard qui publiera ses poèmes en 1945, d'Aragon, de Picasso ; elle deviendra après-guerre une journaliste engagée, collaborant à la Vie Ouvrière et à L'Humanité, militant pour la décolonisation, en Algérie, au Vietnam, pour la cause ouvrière et le personnel hospitalier auquel elle consacrera un livre, Les linges de la nuit. Un documentaire réalisé en 2020 témoigne de son parcours hors norme : Les Sept vies de Madeleine Riffaud. Dans l'hommage qui lui est rendu dans L'Humanité, Rosa Moussaoui la décrivait ainsi : " Reporter intrépide, poétesse ardente, elle fut dans sa traversée d’un siècle de tempêtes une sentinelle opiniâtre »
Jean David Morvan est scénariste de bande dessinée. Auteur de Science-Fiction et d'Héroïc-Fantaisy (dont la fameuse série Troll), il consacre son travail depuis quelques années aux biographies et récits historiques. Pour La série Madeleine Résistante, Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud ont reçu en 2022 le prix René-Goscinny.
Dominique Bertail est élève des Beaux-Arts de Rennes et d'Angoulême. Dessinateur de BD depuis 1994, il est aussi illustrateurs, réalisateur de story boards pour la télévision le cinéma, les films d'animation et la publicité.
Sa contribution à la BD Go west Young Man a fait l'objet d'une excellente chronique sur Culture-Tops : https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/bd/go-west-young-man
Ils viennent de sortir
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