Le nouveau modèle français

Des propositions qui dessinent un plan d'action précis pour notre futur. Pertinent et convaincant
De
David Djaïz
Allary Editions
Sept 21
233p
19.90€
Notre recommandation
4/5

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Thème

Comme dans son livre précédent, La slow démocratie https://www.culture-tops.fr/critique-evenement/essais/la-slow-democratie l’auteur analyse les deux modèles qui, après avoir façonné la France, ont tourné à l’échec. Le modèle d’après-guerre 1945-1968 qui a réparé le corps disloqué de la France : nationalisation, planification de l’Etat, sécurité sociale, consumérisme, puis de 1968 à 2020 s’élabore un nouveau modèle confronté à la mondialisation marquée par des déficits du budget, du commerce extérieur, les dévaluations, l’endettement de l’Etat et le chômage endémique. De plus, se dessine un tournant identitaire avec l’immigration. Ces éléments, qui occupent près de la moitié du livre, avaient déjà été abordés dans La slow démocratie.

Tirant les enseignements de ce passé difficile, l’auteur dessine avec précision un « nouveau modèle français », très élaboré, convaincant, et qui pourrait servir de modèle à un chef d’Etat.

Points forts

David Djaïz appuie ses propositions sur une analyse extrêmement documentée des deux modèles précédents et de leurs échecs. Le nouveau modèle doit prendre en compte le bouleversement écologique, l’hypermondialisation, les interconnections numériques, l’urbanisation croissante, la fragmentation identitaire. Pour cela, il préconise des réformes à la fois considérables et détaillées à mettre en œuvre dans la vision d’un temps long.

Tout d’abord, une réforme constitutionnelle : rallonger à 7 ans le mandat du Président de la République auquel on rattache une chambre de l’avenir (ex CESE) et un Haut-commissariat au Plan pour piloter la transition. Le Sénat doit inclure notamment les présidents des Régions et des Départements. Au niveau territorial, un bloc régional absorbera les départements, de même qu’un bloc communal inclura les intercommunalités. Cela donnera lieu à des péréquations financières et une rationalisation des effectifs. Cette nouvelle culture du temps long va favoriser le désir d’ancrage territorial de la population. Il se traduit par un retour à la ruralité, à un exode urbain vers les banlieues pavillonnaires et les couronnes. Le télétravail favorise cette tendance rendue possible par la 5G et la fibre optique.

En second lieu, l’élaboration d’un nouveau système productif en faveur d’une économie du Bien-Etre, qui donne la priorité à la santé, au logement, à la formation. Il faut prendre ses distances avec la suprématie des GAFAM.

L’agriculture doit devenir durable en ménageant l’exploitation des sols et en réduisant les engrais chimiques. Il y a de nouvelles pratiques à généraliser (agrovoltaisme, biotechnologie, végétation des villes, etc.).

La santé doit être favorisée par la prévention, l’alimentation, les conditions de vie et de travail. L’équipement en robots, d’IRM et de scanners doit être renforcé. Le dossier médical partagé généralisé. Le vieillissement de la population doit être la préoccupation prioritaire.

L’éducation et la formation doivent être boostées car les évaluations internationales ont mesuré la chute des performances de nos élèves et de nos étudiants. Il faut généraliser les équipements numériques et les logiciels d’apprentissage.

 En troisième lieu, le rôle de l’Etat, allégé d’une bureaucratie tatillonne, doit se concentrer au stockage de l’énergie solaire et éolienne, à la fusion nucléaire, à la robotique médicale, à l’hydrogène, et à l’alimentation décarbonée. Le financement serait mis en œuvre par la création d’agences publiques (modèle CEA), le rôle accru des prêteurs publics (BPI France, etc…) et des emprunts.

La recherche publique est descendue à 0,8% du PBI, devrait remonter à 3%. La neutralité carbone pourrait être obtenue en 2050 si l’on y consacre 1% du PIB européen.

Plus prosaïquement, il convient de développer les savoir-faire en revalorisant les métiers manuels. Et d’encourager la vie des villages, avec des jardins publics, des épiceries solidaires gérées par des associations, etc…

L’enlaidissement de la France (30 000 ronds-points, zones artisanales et commerciales, architectures caricaturales, etc…) doit être progressivement réparé.

Enfin, une nouvelle culture doit être encouragée, avec comme devise moins de biens, plus de liens. L’accumulation matérielle laissera la place à la convivialité, les plaisirs du voyage, la vie familiale et amicale, les jardins potagers, le bricolage. De nouveaux espaces de socialisation (cafés, permanences syndicales, maisons de jeunes, ciné-clubs, etc…) traduisant ce renouveau de la vie locale.

Quelques réserves

Pas de réserves à souligner.

Encore un mot...

En pleine campagne présidentielle (printemps 2022), cet ouvrage dense et convaincant met en évidence les carences de la plupart des candidats. Je leur recommande de décortiquer Le nouveau modèle français, pour en faire, le moment venu, un programme de réformes et d’action.

Une phrase

La société apparemment unifiée, homogène et apaisée des années 70 s’est peu à peu fracturée en trois France : celle des Autonomes, celle des Autochtones et celle des Entre-Deux. (p.93)

Le pouvoir présidentiel s’est accru sous la Vème République en fonction inverse de sa puissance d’agir… sous la dictature de l’immédiateté. (p.116) 

Presque toutes mes dépenses partent vers les plateformes outre-Atlantique : Netflix pour le cinéma quand les salles sont fermées, Amazon quand les librairies sont closes, Uber pour se déplacer en ville, Airbnb pour les week-ends. (p.143)

Le monde paysan joue un rôle majeur dans la sauvegarde de la biodiversité et la diminution de gaz à effet de serre. (p.152) 

De nouveaux comportements au sein de la société valorisant l’usage plutôt que la propriété, l’être plutôt que l’avoir, l’empathie plutôt que l’égoïsme, l’entraide plutôt que le chacun-pour-soi, la coopération plutôt que la compétition. Ils peuvent être le point de départ d’une refondation républicaine. (p. 183)

L'auteur

David Djaïz, né à Agen en 1990, est normalien, énarque, enseignant en Sciences Politiques et directeur de l’Agence nationale de la cohésion territoriale.

Il a déjà écrit deux livres : La guerre civile n’aura pas lieu (2017) qui estime que les attentats sont l’œuvre de djihadistes isolés et n’annoncent pas une guerre civile nationale ;  La  slow de la démocratie (2019) où, après un diagnostic précis, il émet de pertinentes propositions. La qualité de ce livre avait conduit le Forum du Futur à le qualifier d’« Eclaireur du Futur »

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