La Guerre permanente : Ultime stratégie du Kremlin
Parution le 28 février 2024
316 pages
21,50 €
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Thème
La thèse centrale de l’auteur résume la stratégie de Poutine à la tyrannie et à la guerre qui se renforcent mutuellement. La guerre, en l’occurrence la seconde guerre de Tchétchénie, est à la fois à l’origine du pouvoir de Poutine et la source de son maintien. L’auteur distingue trois périodes.
Pendant la première partie des années 2000 Poutine est occupé en Tchétchénie à une guerre qui ne dit pas son nom, d’une brutalité extrême, qui s’achève en donnant le pouvoir au clan Kadyrov, barbare et corrompu qui fait de la charia la loi officielle. Poutine est déstabilisé par les révolutions démocratiques en Géorgie et en Ukraine entre 2003 et 2005. C’est une période de croissance de l’économie russe pendant laquelle Poutine se contente d’utiliser ses instruments traditionnels de la diplomatie et sa domination énergétique pour déstabiliser ses voisins.
La deuxième période démarre en février 2007 à la conférence pour la sécurité de Munich pendant laquelle Poutine fait un discours très agressif à l’égard de l’Occident. Il ment effrontément, ce qui deviendra sa marque. Il poursuit la déstabilisation de la Géorgie et de l’Ukraine qui culminera avec la guerre en Géorgie facilitée par les erreurs tactiques de Saakachvili. La crise financière de 2008 et l’élection de Medvedev sont une période un peu plus calme.
La troisième période démarre avec la réélection de Poutine en 2012, déjà grossièrement manipulée, qui marque un durcissement considérable. La révolution de Maidan en Ukraine pendant l’hiver 2013/2014 due au refus de Ianoukovitch, sous pression de Poutine, de signer l’accord d’association avec l’UE dont il avait pourtant négocié la conclusion. Les élections qui suivent en Ukraine, après la fuite de Ianoukovitch, sont démocratiques contrairement à la légende du coup d'État propagée par Poutine. Selon l'auteur, l'annexion de la Crimée par la Russie a été parfaitement préparée. Par contre, les événements du Donbass auraient été davantage improvisés. La fuite en avant de Poutine se renforce à partir de 2020, avec l’aggravation de la crise économique et la gestion lamentable du Covid par le pouvoir russe. L’élection de Zelensky en avril 2019 aurait pu être l’occasion d’une sortie du conflit avec l’Ukraine que Zelensky cherchait sincèrement. Cela n’intéresse pas Poutine qui prépare l’invasion de l’Ukraine. Au même moment en 2020 il lâche l’Arménie face à l’Azerbaïdjan soutenue par la Turquie d’Erdogan, soutient l’élection frauduleuse de Loukachenko et l’instrumentalisation des migrants par celui-ci à l’été 2021. A ce moment Poutine commence à préparer l’invasion de l’Ukraine que les Occidentaux ne verront pas venir à l’exception des Etats-Unis, mais un peu tard. La suite est connue. Selon l'auteur, la guerre d’Ukraine sera tôt ou tard le fossoyeur du régime de Poutine.
Points forts
La connaissance très approfondie de la Russie par l’auteur, parfaitement russophone, permet de donner une grande crédibilité à sa thèse centrale selon laquelle Poutine a besoin de la guerre permanente pour se maintenir au pouvoir. L’assassinat systématique des gêneurs qu’ils soient opposants, journalistes, ou membres repentis du KGB est bien mis en évidence. Cela commence dès 2006. La continuité dans le mensonge systématique par Poutine est frappante et très précoce. Sa falsification systématique de l’histoire en témoigne. L’absence pendant ses 25 ans de règne de toute négociation sérieuse est étonnante.
L’auteur démontre que Poutine n’a aucun respect pour le droit international. Le mémorandum de Budapest signé par la Russie en 1994, confirmé en 2009, garantissait la sécurité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de la Biélorussie et du Kazakhstan, comme le Traité bilatéral d’amitié de 1997 entre la Russie et l’Ukraine. Poutine échappe au droit de la guerre en évitant systématiquement de la qualifier et de la déclarer.
La révélation par l’auteur du chaos de l’organisation interne de la Russie avec 19 républiques, 5 territoires autonomes et 59 régions est également saisissante.
Quelques réserves
L’auteur semble exagérément optimiste sur la fin du régime de Poutine avec la guerre d’Ukraine. Si les Européens ne sont pas capables d’armer suffisamment les Ukrainiens et si Trump est élu cette année, la Russie de Poutine peut encore gagner sous le poids du nombre et du mépris de la vie humaine qui la caractérise.
Encore un mot...
A la lecture de ce tableau saisissant, on peut se demander comment la plupart des dirigeants occidentaux ont pu avoir des illusions sur la bonne foi de Poutine, après 2006/2008. Le plus saisissant est comment une partie des élites intellectuelles et des politiques français, minoritaire mais non négligeable, peut encore acheter la propagande poutinienne. Au vu des comparaisons historiques Poutine est un hybride de Staline et d' Hitler. En 1843 le Marquis de Custine avait déjà vu juste dans son livre célèbre La Russie en 1839 qualifiant la Russie de pays de la servitude et du mensonge. Poutine en est la quintessence.
Une phrase
« La thèse de ce livre tient en deux mots : tyrannie et guerre? » page 18
« Le recours disproportionné à la violence fait la force terrible de ce régime, et sa plus grande vulnérabilité. » page 19
« Vladimir Poutine a cédé à la tentation de la grande conflagration. Et personne dans son cercle restreint n’a pu s’opposer à sa terrible volonté d’affronter la moitié du monde. Il a imposé à ses militaires et à son administration une guerre d’une violence inouïe, sans en préciser l’objectif ni en indiquer l’issue. » page 268
« Le pouvoir russe a donné à la guerre les formes les plus dévastatrices et criminelles, dans la violation permanente du droit international et des droits humains… » page 269
« La guerre d’Ukraine n’est pas une guerre de conquête impériale. C’est l’entreprise insensée de destruction d’un grand pays et de ses habitants, qui ont choisi l’Etat de droit et l’appartenance à l’Europe des démocraties. » page 280
L'auteur
Marie Mendras, docteur en sciences politiques, est une spécialiste reconnue de l’URSS, dans sa jeunesse, puis de la Russie. Elle est la fille du sociologue Henri Mendras, auteur du fameux livre La fin des paysans publié en 1967. Elle est parfaitement russophone. Elle a publié de nombreux livres et articles en français et en anglais dans des revues prestigieuses.
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