La Collaboration Staline-Hitler. 10 mars 1939-22 juin 1941. Août-Septembre 1944
Parution le 4 mai 2023
351 pages
22,90 €
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Thème
Selon la thèse centrale du livre, Staline a conçu sa collaboration avec Hitler comme une politique durable bien des années avant la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939. A l’appui de son interprétation l’auteur déroule un ensemble d’événements, de faits, de discours et de propos particulièrement convaincants, à l’opposé non seulement de l’historiographie officielle de la propagande soviétique et russe, mais aussi des historiens occidentaux, en majorité inexplicablement complaisants pour Staline.
Derrière la propagande officielle antifasciste de Staline et les imprécations de Hitler contre le « judéo-bolchevisme », il est possible de déceler très tôt des gestes réciproques tendant à établir une marche progressive vers une collaboration. Leur accumulation est impressionnante.
Après des signaux faibles mais réels dès 1933 de la part de Staline, le PC italien basé à Moscou lance en août 1936 un appel fraternel aux fascistes italiens dont la teneur a été préparée au Komintern. Goebbels a bien noté que les dirigeants bolcheviques, victimes des grands procès de Moscou de 1936 et 1937, étaient majoritairement juifs. La décapitation de l’état-major de l’Armée Rouge en 1937 avec l’exécution de son chef Toukhatchevski et de centaines d’autres, favorables à la préparation d’une guerre probable contre l’Allemagne nazie, est particulièrement importante. La dissolution du PC polonais en décembre 1937 et l’interdiction d’un important film soviétique antiallemand en avril 1938 sont d’autres signaux.
Il a fallu attendre la fin 1938, avec le retrait de Staline d’Espagne, plusieurs mois avant la victoire définitive de Franco en présence des troupes nazies et fascistes, pour qu’Hitler réponde positivement à ces ouvertures. En décembre 1938 un important accord commercial bilatéral est signé entre l’Allemagne et l’URSS. Après qu’Hitler ait annoncé ses buts de guerre dans une réunion du 8 mars 1939, sans un mot pour l’URSS, Staline répondit par une énorme ouverture lors du congrès du PCUS le 10 mars 1939.
Désormais Hitler est demandeur. Le remplacement en mai 1939 de Litvinov aux Affaires étrangères, partisan d’un pacte de sécurité collective avec la France et l’Angleterre, juif de surcroît, par Molotov ouvre la voie. Dès le 18 août 1939, en 24h un accord commercial très favorable à l’URSS est signé, suivi par le voyage éclair de Ribbentrop à Moscou où le pacte germano-soviétique est conclu le 23 août 1939 après seulement trois heures de discussion. La duplicité de Staline est à son sommet lorsqu’il présente le pacte comme un acte de paix alors que le protocole secret prévoit le partage des zones d’influence et le dépeçage de la Pologne.
Si pour Hitler le pacte n’est que conjoncturel, lui permettant d’avoir les mains libres à l’Ouest, Staline croit à une collaboration permanente. Il exécute scrupuleusement les dispositions de l’accord commercial même lorsque l’Allemagne à partir de l’automne 1940 ralentit ses fournitures. Il refuse jusqu’au bout de croire à l’attaque allemande de juin 1941, même plusieurs heures après son déclenchement, alors qu’elle était quasi publique plusieurs semaines auparavant.
Après l’effondrement de la Pologne sous l’attaque allemande de début septembre 1939, Staline met deux semaines à trouver le prétexte de son intervention, ne voulant pas apparaître comme cobelligérant, ce qui aurait ruiné sa présentation politique du pacte. L’Armée Rouge viendra défendre les Ukrainiens et les Biélorusses habitant l’Est de la Pologne « menacés » par le reflux vers l’Est des Polonais fuyant la Wehrmacht. La voie est ouverte pour le partage effectif qui est conclu par un nouveau protocole secret signé à Moscou avec Ribbentrop fin septembre 1939. Ce texte prévoit également une coopération policière. Il en résultera des centaines de milliers, voire des millions de déportés et surtout le massacre à Katyn en mars 1940 de 22 000 officiers polonais, une grande partie de l’élite de ce pays, par le NKVD soviétique sous l’autorité de Beria, mais approuvé par Staline.
C’est alors le tour de la Finlande, pourtant protégée par un pacte bilatéral de non-agression jusqu’en 1945. Après avoir revendiqué sans succès des territoires finlandais proches de Leningrad, Staline organise une pseudo agression finlandaise sous la forme du bombardement d’un bourg frontalier par sa propre artillerie. La grande spécialité soviétique, puis russe, des opérations sous faux pavillon était née. Il fallut quatre mois à la lamentable Armée Rouge du moment, avec des forces dix fois supérieures et 120 000 morts pour venir à bout de la Finlande qui put néanmoins protéger son indépendance au prix de la cession de la Carélie. En juin 1940 Staline profite de la défaite française pour liquider Trotski à Mexico et annexer les trois pays baltes. La reconstitution des frontières de l’empire tsariste est réalisée.
Staline se croit alors le maître du jeu et présente de nouvelles exigences sur les zones d’influence par l’intermédiaire de Molotov en voyage officiel à Berlin en novembre 1940. Ces demandes sont inacceptables pour Hitler qui en sera tellement marqué qu’il les utilisera comme prétextes à l’attaque de juin 1941.
L’ultime collaboration Staline Hitler, cette fois implicite, est l’écrasement barbare du soulèvement de Varsovie par les Nazis en août 1944. Non seulement Staline refuse l’intervention de l’Armée Rouge toute proche, mais encore il refuse les atterrissages d’avions américains et britanniques en vue de livrer des armes aux insurgés.
Points forts
Le dossier à charge construit par l’auteur est implacable. Les faits et documents produits et leur enchaînement démontrent sans l’ombre d’un doute un plan de longue date de Staline d’une collaboration permanente avec Hitler. Il a finalement échoué parce que Hitler n’en voulait pas. La légende de Staline se tournant au dernier moment vers Hitler parce que la France et l’Angleterre voulaient les voir partir en guerre l’un contre l’autre ne tient pas. C’est pourtant devenu la pseudo vérité historique des manuels d’histoire russes, mais aussi de beaucoup d’autres manuels dans le monde en particulier en France.
L’auteur démontre que le procès de Nuremberg en 1946 a été une occasion ratée de mettre toute la lumière sur cette question alors que les Américains et les Britanniques avaient pu reconstituer la plupart des faits à partir des archives nazies. Une tentative du procureur britannique a été vite bloquée par le procureur soviétique que les Alliés n’ont pas voulu mécontenter. Staline avait une nouvelle fois réussi à réécrire l’histoire. Rudolf Hess a même été censuré dans son souhait d’évoquer le protocole secret du pacte germano-soviétique.
La maîtrise de la langue russe par l’auteur lui a certainement permis de relire de nombreux textes dans leur langue originale et de leur donner leur véritable sens.
Quelques réserves
L’auteur, adhérent depuis plus de 60 ans de l’un des mouvements trotskistes les plus sectaires, comme le furent Jospin et Mélenchon, le Lambertisme, partisan de l’entrisme dans les syndicats et les autres partis politiques, laisse parfois affleurer des formules excessives sur la bourgeoisie écrasant le peuple révolutionnaire, ou bien trop louangeuses sur la clairvoyance de Trotski. C’est aussi probablement la cause du manque de nuance à charge de l’auteur sur Stepan Bandera, leader nationaliste ukrainien, et sur le général Vlassov, antistalinien rallié aux Allemands.
Toutefois ces réserves sont mineures en comparaison de la très grande qualité du livre.
Encore un mot...
Au-delà de sa qualité historique, le livre permet de constater la continuité de la politique de la Russie à l’égard de ses voisins entre Staline hier et Poutine aujourd’hui. Les arguments de défense des russophones d’Ukraine afin de justifier l’agression de la Russie à l’égard de ce pays sont de même nature que ceux utilisés pour envahir la Pologne en 1939. La continuité dans la duplicité, le mensonge, l’élimination des opposants et la réécriture de l’histoire est également impressionnante.
Lorsque Staline s’est cru le maître du jeu, il a agressé la Finlande et annexé les pays baltes. Cela laisse augurer de ce que Poutine aurait pu faire s’il avait défait l’Ukraine en 2022 aussi rapidement que la Pologne l’a été en 1939, sans aucune réaction de la France et de l’Angleterre.
Une phrase
- « Réponse de Staline à Ribbentrop le 22 août 1939 : l’accord du gouvernement allemand pour signer un pacte de non-agression constituera la base permettant de liquider la tension politique et d’instaurer la paix et la collaboration entre nos deux pays » page 9
- « Pourtant les signes, effacés par Staline, du brutale passage d’une coopération défunte à une confrontation sans merci se multiplient » page 282
- « Les thuriféraires de Staline ne peuvent admettre que le grand homme se soit montré incapable de répondre à l’attaque déclenchée pars son ancien partenaire. Et, le grotesque frôlant parfois le tragique, ils ont fabriqué une superbe excuse : Staline avait une grave angine et un gros abcès dans la gorge ; sa température dépassait 40°. » page 294
L'auteur
Jean-Jacques Marie, agrégé de lettres classiques, licencié en histoire, diplômé des Langues Orientales en russe, est un historien chevronné, spécialiste de l’histoire de l’URSS et du mouvement trotskiste dont il est lui-même membre depuis 1961. Il a publié une trentaine de livres. A 86 ans il publie ici son meilleur livre qui dévoile la véritable nature de la collaboration Staline Hitler.
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