Zoo ou l’assassin philanthrope

De l’unicité du genre humain
De
Vercors, Emmanuel Demarcy-Mota et Dorcy Rugamba
Durée 1h30
Mise en scène
Emmanuel Demarcy-Mota
Avec
La troupe du Théâtre de la Ville & les Artistes Rwandais
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Ville-Abbesses
31, rue des Abbesses
75018
Paris
01 42 74 22 77
Du 23 avril au 7 mai 2024 à 20 heures ; le dimanche à 15 heures

Thème

  • Une équipe de scientifiques en expédition découvrent une espèce inconnue dont ils ignorent s’ils sont hommes ou animaux. Pour répondre à leurs interrogations, ils font une expérience d’insémination artificielle sur une femelle, pour déterminer l’origine de ces créatures. 

  • En donnant la vie à un bébé que le père biologique, Douglas Templemore, journaliste qui a accompagné la mission, décide de tuer, l’affaire déborde de la sphère scientifique pour toucher l’ensemble de la société : s’agit-il d’un infanticide ou du meurtre d’un animal ? 

  • Le procès qui s’en suit fournit l’occasion d’un intense débat entre instances judiciaires et experts scientifiques, auxquels se mêlent les industriels et les politiques, pour démêler les croyances, preuves et présomptions qui déterminent l’espèce humaine. 

  • Cette fable philosophique est adaptée du roman Les animaux dénaturés de Vercors, dans une nouvelle version issue du spectacle créé dans l’auditorium du Musée d’Orsay, le 8 juillet 2021, en miroir de l’exposition Les Origines du monde. L’invention de la nature au XXe siècle puis reprise le 17 mars 2022 au Théâtre de la ville-espace Cardin. 

Points forts

  • Une mise en scène soignée, voire sophistiquée, qui alterne les points de vue et les récits dans un dispositif qui permet plusieurs narrations simultanées, celle des événements passés en ombres chinoises, et celle du présent.

  • Le propos, fondamental, d’une controverse originelle de l’humanité, est réactualisé sans rien perdre de sa pertinence.

  • Un jeu de lumières qui rend compte avec subtilité des méandres de la pensée des protagonistes et de leurs incertitudes.

  • Les masques d’animaux, ponctuellement portés par les magistrats, tout en ajoutant une note esthétique à la configuration théâtrale, portent en eux-mêmes l’interrogation principale. 

Quelques réserves

  • Quelques longueurs dans l’argumentation desservent parfois le propos, de même que l’usage insistant de la vidéo qui humanise le bébé, né de l’expérience, et force le caractère dramatique.

Encore un mot...

  • Telle une nouvelle “controverse de Valladolid“ (XVIe siècle), modernisée et réactualisée après les crimes contre l’humanité que la Seconde Guerre mondiale a générés, cette pièce pose une question existentielle concernant les contours du genre humain et son unicité, interdisant sa modification ou sa manipulation à des fins totalitaires sous couvert de scientisme.  

  • De nombreuses et vertigineuses questions sont ici soulevées (sachant que la femelle enfermée au zoo, originaire de Nouvelle-Guinée, appartient à l’espèce des anthropoïdes appelés Paranthropus erectus) :

    • après l’expérience éprouve-t-elle des sentiments pour sa progéniture et pour le père biologique ? 

    • l’être né de la manipulation scientifique, dont on ne sait s’il est humain ou non, a-t-il droit à la vie et à la liberté ? 

    • qu’est-ce qui caractérise le genre humain ? Une question valant pour le passé comme pour l’avenir.

Une phrase

  • « Il n’y a pas des espèces humaines, il y en a une. »

  • « Il peut tuer un homme mais il ne peut pas le changer en autre chose. »

  • « L’homme est un animal rebelle qui a une dignité à conquérir. »

L'auteur

  • Vercors, pseudonyme résistant de Jean Bruller (1902-1991), est un dessinateur et l’auteur du célèbre texte Le silence de la mer, écrit et est publié en 1942 par les éditions de Minuit, dont il est un des cofondateurs.

  • Après la guerre, son combat se prolonge par des engagements contre le racisme, le colonialisme et contre toutes les formes d’oppression.

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