Zola l’infréquentable
Confrontation épique entre Émile Zola et Léon Daudet
De
Didier Caron
Durée 1 heure 20
Mise en scène
Didier Caron
Avec
Pierre Azéma et Bruno Paviot
Notre recommandation
4/5
Infos & réservation
Théâtre de le Contrescarpe
5 rue Blainville
75005
Paris
01 42 01 81 88
Du 5 octobre 2022 au 13 janvier 2023. Mercredi, jeudi, vendredi à 21 heures. Samedi à 20 heures 30. Dimanche à 16 heures 30
Retrouver également les chroniques Toujours à l'affiche dans cette même rubrique
Thème
- Début 1895, le procès Dreyfus a lieu, mais il ne deviendra une affaire que trois ans plus tard, lorsque Zola lancera son célèbre « J’accuse » dans les colonnes de L’Aurore.
- Zola estimait Alphonse Daudet malgré un antisémitisme peu à son goût, en revanche, il apprécie beaucoup moins son fils Léon, journaliste au Figaro. Celui-ci déverse sa hargne envers Dreyfus et sa grogne de pamphlétaire devant un Zola qui jusque-là, ne suivait ce procès que de loin.
- Très vite, Zola va prendre position, et nous assistons aux discussions enflammées entre ces deux hommes que tout oppose.
Points forts
- Léon Daudet est « le » pamphlétaire dans toute sa splendeur : un tribun vachard, opportuniste, agressif, injuste, menteur, délateur, accusant sans preuves, le tout dans un langage éminemment élégant, au moyen de phrases joliment troussées. D’une mauvaise foi illimitée, il s’acharne sur Dreyfus et applaudit la libération d’Esterhazy pendant que Zola tente de calmer le jeu.
- Leurs discussions sont homériques et jubilatoires. La mauvaise foi à tout crin de Daudet envers les tentatives de justice, vouées à l’échec de Zola, vont pousser ce dernier à écrire ce texte, « J’accuse » qui restera un modèle du genre.
- Les deux interprètes sont parfaits : d’un côté, Pierre Azéma en Zola qui se veut convaincant, persuadé de la justesse de ses propos, doté d’une élégance physique qui n’a d’égale que celle de ses paroles ; de l’autre, Bruno Paviot en Léon Daudet, miné toute sa vie durant par l’indifférence de son père à son égard, et qui prend sa revanche avec son venin qui fait mouche. Les deux comédiens se renvoient la balle sans temps mort, pour notre plus grande délectation !
Quelques réserves
- Inutile de polémiquer : tout est au cordeau...
Encore un mot...
- Zola l’infréquentable offre l’illustration parfaite de ce qui fait la différence entre un critique et un pamphlétaire : le premier essaie d’être honnête, recherche la vérité, mesure ses propos, garde son sang-froid ; le second, servi par une langue de feu, ment à tout va, est dans l’outrance verbale permanente, voire dans l’ignominie.
- Ce spectacle en rappelle un autre - L’un de nous deux - qui faisait état de discussions entre Mandel et Blum. Certes aucun des deux n’était écrivain ni polémiste, et leurs échanges étaient parés d’humanité et le ton était nettement plus amène. Mais leux pièces ont en commun leur grande qualité.
Une phrase
- Émile Zola nous livre quelques sentences bien senties, dont « La haine doit s’incliner devant la politesse » et se définit comme « un moment de la conscience humaine ». Lors de sa lettre ouverte au Président de la République Félix Faure, il termine ses propos par « ma protestation n’est que le cri de mon âme ».
- Zola sait faire preuve d’humour : lorsqu’il apprend la mort d’Alphonse Daudet, il précise « la mort du père malheureusement, pas du fils ». Et enfin, à propos de sa propre mort par asphyxie, il nous faire dire que « Ce mystère restera entier. Chacun se forgera son propre avis. Pour ma part, je n’ai pas eu le temps d’envisager le mien. "
L'auteur
- Caron possède plusieurs casquettes : acteur, auteur, scénariste, adaptateur. Il est auteur de comédies - Un vrai Bonheur, Le Jardin d’Alphonse, Un pavé dans la cour - de tragédies, comme Fausse note. Il est également adaptateur de succès tels que Sur la route de Madison, Kramer contre Kramer ou Coiffure pour Dames. Il est scénariste sur La Cage aux folles et Good bye Charlie.
- Didier Caron a été pendant dix ans directeur du Théâtre Michel à Paris. Sous sa direction, le spectacle qu’il produisait - Le repas des fauves - a obtenu trois Molières, dont celui de meilleur spectacle de théâtre privé en 2013.
- Il interprète actuellement sa dernière comédie, Un cadeau particulier (chroniqué par Culture-tops). Ayant achevé l’adaptation d’Uranus de Marcel Aymé, il présentera sa pièce en avant-première à Avignon en 2023.
Ajouter un commentaire