Vladimir Jankélévitch
Infos & réservation
Thème
Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco ont bâti leur pièce sur la correspondance deVladimir Jankélévitch avec son ami Louis Beauduc, rassemblée par Françoise Schwab dans un ouvrage publié en 1995, « Une Vie en toutes lettres » (éditions Liana Levi).
Jankélévitch a 20 ans, en 1923, lorsqu’il écrit sa première lettre à Beauduc. ils sont coturnes (voisins de chambre) à l’Ecole normale supérieure, et vont obtenir l’agrégation trois ans plus tard, reçus respectivement premier et deuxième.
Complices malgré leurs différences – l’université et une trajectoire ébouriffante pour l’un, une carrière discrète de prof de philo à Limoges pour l’autre –, ces deux-là ne cesseront de correspondre pendant cinquante-sept ans, jusqu’à la mort de Beauduc, en 1980.
Points forts
Seul sur scène avec, pour tout décor, d’un côté un bureau surchargé (symbolisant Jankélévitch) et de l’autre un pupitre d’école (Beauduc), Bruno Abraham-Kremer fait revivre“Janké“ à travers ces échanges épistolaires, qu’il lit et met en scène avec une aisance et une clarté épatantes. On suit le philosophe pas à pas : Normale Sup, les premiers postes, les femmes, la rencontre décisive avec Bergson, la guerre, le statut de juif et le déclassement qui s’ensuit, la Résistance, la longue maturation de son maître-ouvrage, « le traité des vertus » (1949), la Sorbonne trente années durant, Mai-68, les luttes, évidemment à gauche, mais avec une indépendance d’esprit qui, évidemment encore, finira par énerver les dogmatiques… Et puis l’amour de la musique, omniprésent. Tout ça avec un appétit de vivre incroyable : de la philosophie dynamique, en somme. Quel bonhomme !
Quelques réserves
On reste un peu sur sa faim concernant Louis Beauduc… Il est vrai que toutes les lettres qu’il a envoyées avant la Libération ont été perdues dans le pillage de l’appartement parisien de Jankélévitch, resté inoccupé après son exil en Zone sud. « La guerre a coupé ma vie en deux, dit “Janké“. Il ne me reste rien de mon existence d'avant 1940, pas un livre, pas une photo, pas une lettre. »
Encore un mot...
Malgré son amour de la culture germanique, Jankélévitch sort du conflit en état de rupture avec tout ce qui est allemand. En 1980, au cours d’une émission radio ou il s’explique sur l’impossibilité du pardon après la Shoah, il est écouté par un jeune allemand, Wiard Raveling, prof de français en Basse-Saxe. Celui-ci écrit alors à “Janké“ une lettre que Bruno Abraham-Kremer a choisi de lire en conclusion de la pièce. Ces lignes sont si belles qu’elles vous secouent l’âme ; le philosophe – qui avait espéré, vainement, une telle lettre de ses pairs allemands – y répond par un cri du cœur… Ne ratez pas ça, vous manqueriez l’occasion (plutôt rare ces temps-ci) de vous sentir heureux d‘être humain.
Une phrase
Jankélévitch dans sa première lettre à Beauduc : « Ne l'oublie pas, nous écrivons pour la postérité ! »
L'auteur
Suis ce que ton cœur te dicte : voilà ce à quoi l’on pourrait résumer la philosophie de Vladimir Jankélévitch (1903-1985). Inlassable observateur de l’instant, du fugitif, de l’impalpable, disciple adoubé de l’exigeant Henri Bergson, “Janké“, comme l’appelaient ses étudiants, a traversé l’université française comme une étoile filante. Si, pour le découvrir ou le retrouver, l’idée d’ouvrir l’un ou l’autre de ses essais de philosophie ou de morale vous rebute un peu, commencez donc par aller voir « La vie est une géniale improvisation ».
Ajouter un commentaire