Un Instant
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Thème
« Un instant » est une pièce adaptée d'« À la recherche du temps perdu », mais en se focalisant plutôt sur le Proust métaphysique que sur le dandy mondain. Nous assistons aux échanges naissants entre Proust, qui n’est encore qu’un jeune homme, et une vietnamienne, plus âgée, alors qu’ils partagent tous d’eux leurs souvenirs d’enfance ainsi que leurs rapports à leurs êtres chers.
Points forts
-Hélène Patarot et Camille de La Guillonnière sont époustouflants, d’une justesse et d’une délicatesse très émouvantes, en parvenant à faire revivre les souvenirs qu’ils nous livrent. Nous sommes transportés dans un récit emplit de sensibilité, de fragilité, de finesse et de beauté.
-Les décors sont très réussis. Alors que la scène est immense, une petite pièce, traversée par une échelle ,est suspendue dans le vide, comme le temps lorsqu’on se replonge dans nos souvenirs, un instant. En outre, une accumulation de chaises immobiles, sur lesquelles ont pourrait se reposer, se mettent soudainement à danser avec élégance, lorsque les souvenirs de cette vieille vietnamienne reviennent avec tant de puissance qu’ils lui en donnent le vertige.
-Le parallèle créé entre les mots de Proust, évoquant ses souvenirs d’enfance, son rapport à sa mère et à sa grand mère; et ceux d’une vietnamienne âgée, qui a connu au même âge, mais à une époque et dans un contexte différents, des émotions similaires, est très réussi. C’est une très jolie démonstration de l’universalité des sentiments.
-Pour ceux qui n’ont pas eu le courage de lire les sept romans d’ « À la recherche du temps perdu », cette pièce est une belle introduction, qui donnera envie d’aller très vite se plonger dans la lecture de Proust, et d’en apprécier encore et encore le génie!
Quelques réserves
Le parallèle créé entre les deux personnages est une bonne idée, mais si leurs monologues sont très beaux, je regrette un peu qu’il n’y ait pas d’avantage d’échanges entre eux.
Encore un mot...
Entendre les mots de Proust dans la bouche d’acteurs d'un tel talent est un délice. Et voir ce partage d’émotions communes si intimes nous renvoie nécessairement à nos propres souvenirs. (Je file demander à ma grand mère une tarte à la pomme avec des croisillons saupoudrés de sucre...)
Une phrase
« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray, quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté [...].
Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »
L'auteur
Né en 1981, Jean Bellorini est un dramaturge et metteur en scène de théâtre.
Il a été accueilli avec sa compagnie Air de Lune au Théâtre du Soleil ("La Mouette"), puis associé au Centre dramatique national de Toulouse et au Centre dramatique national de Saint-Denis. Il a créé plusieurs adaptations de textes littéraires majeurs ou d'oeuvres du théâtre contemporain.
En 2009 à la Cartoucherie, "Tempête sous un crâne", adaptation des Misérables, est saluée par la critique. "Paroles gelées", d'après Rabelais, en 2013, lui a valu le prix de la meilleure mise en scène au Palmarès du théâtre.
Il a été nommé directeur du Théâtre Gérard Philipe où se joue « Un instant ».
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