Un homme qui boit rêve toujours d’un homme qui écoute
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Thème
Deux hommes que tout sépare, l’un écrivain algérien à Oran, l’autre jeune musicien français à Paris, vont se rejoindre sur l’essentiel au cours de leurs échanges. L’un rendant visite à l’autre et puis subissant la séparation due au COVID.
Tous les deux vont traverser les événements de l’actualité et échanger sur ce qui fait le sens de leurs convictions. Une question centrale est la place des femmes dans leurs sociétés respectives.
Personnages aussi charismatiques qu’ordinaires, ils vont devoir affronter les démons qui les obsèdent dans une amitié fraternelle et salvatrice.
Points forts
Un texte d’une grande humanité et d’une intensité brûlante. Denise Chalem nous offre ici un de ses plus beaux textes, servi par ses trois magnifiques interprètes. Tout en s’inspirant des écrits de Kamel Daoud, elle met en lumière la fragilité d’un monde qui repose sur des impostures religieuses et idéologiques souvent et qui condamne le sort des femmes. La pièce exprime dans des mots simples et déchirants le corps empêché des femmes du Maghreb, exalte l’amitié, rend hommage au génie et à la difficulté des créateurs, qu’il soit écrivain ou musicien.
L’interprétation éblouissante des trois artistes pétris d’humanité et de sensibilité. Avec force et fragilité, Thibault de Montalembert incarne cet écrivain toujours en lutte pour sa légitimité et pour qui le partage et le sens de l’amitié se distillent dans le vin qui coulent comme un nectar essentiel de vie et d’amour. Sarah-Jane Vaugrain et sa tessiture rauque nous entraînent, dans le sillage de ses vibrations chaudes et la sensualité exacerbée d’un corps souvent maltraité, dans une émotion déchirante.
Les solos de trompette nous transportent et Ibrahim Maalouf, dont ce sont les premiers pas sur scène, apporte une candeur, une fraîcheur et une grâce infantile à ce personnage qui rêve d’espace et de liberté.
Un dispositif scénique propice au rêve et au voyage. La mise en scène fluide et intelligente laisse à la musique une part que seules les notes peuvent donner pour compléter les mots qui, s’ils vibrent sous la langue résonnent à l’âme autrement.
Quelques réserves
Aucune.
Encore un mot...
La pièce porte un message universel de tolérance et de respect de l’altérité et des combats pour les libertés.
C’est un voyage au coeur de notre humanité, dont il ne faut pas manquer l’embarquement. • Trois flammes brûlent et consumeront vos âmes de spectateurs.
Une phrase
Zireg et la jeune femme : « Le corps n’est pas le lieu de vos guerres mais l’espace de mes rencontres.
La jeune femme : C’est une étreinte. Je ne suis pas l’enfant d’un fruit volé, mais le fruit lui-même ; Donné et accepté. Je veux vivre libre de mon corps. Ne plus le cacher ni l’imposer, l’accepter, pas accepter de m’en défaire et de le trahir. Ma nudité est ma sincérité. Ma sexualité est mon partage, pas ma honte. »
[…]
Pierre : « On aime bien tout décortiquer ici, tu sais bien… Clair, rangé dans les cases…Comme si je savais, moi, pourquoi j’invente cette musique et pas une autre… 3pourquoi êtes-vous devenu musicien ? » Pour faire chier mon père, pour emmerder le prof de philo… exit l’avenir radieux des grandes écoles.
Zireg : Il a dû avoir de la peine, quand même… (…) tu es tellement doué…Magique ton concert hier soir. Tu commences à bien mélanger le jazz et la musique kabyle.
Pierre : Grâce à toi. J’ai aimé être dans ton pays.
Zireg : Dans mon pays, tu n’aurais jamais eu de femmes qui te rejoignent sur scène à la fin. Qui se déhanchent…dansent bras nus…
Pierre : Tu vois le courage qu’il me faut ? C’est difficile aussi quand les corps ne sont pas enfermés ! »
L'auteur
Ancienne élève au Conservatoire d’Antoine Vitez, Denise Chalem a joué pour Jean-Pierre Vincent, Bernard Murat, Marcel Bluwal, Daniel Bénoin… et au cinéma pour Bertrand Blier , Bruno Nuytten, François Ozon…
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