Trois femmes (l’échappée)
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Thème
Grande-bourgeoise âgée, veuve, hargneuse et déprimée, la riche Mme Chevalier se voit imposer par sa fille (avec laquelle elle est pourtant brouillée depuis vingt ans) une auxiliaire de vie pour veiller sur elle la nuit. Furieuse, la vieille dame se montre odieuse tandis que Joëlle, trop contente d’avoir retrouvé un travail, est prête à mobiliser sa patience et sa générosité pour garder sa place. D’autant qu’elle a une fille à soutenir, une autre Joëlle, chômeuse de trente ans et mère célibataire.
Un soir, la fille monte voir sa mère chez Mme Chevalier qui – dans un moment de confusion ? – la prend pour sa petite-fille, Amélie, qu’elle n’a plus vue depuis ses un an. Pour la vieille dame, c’est un rayon de soleil inespéré ; et pour la jeune femme démunie de tout, la chance, inespérée aussi, d’exister pour quelqu’un et de sortir de sa condition. Une imposture qui heurte les valeurs d’honnêteté absolue de sa mère, mais qui s’installe...
Points forts
- La distribution est, évidemment, une des attractions de la pièce. On court voir Catherine Hiegel, Clotilde Mollet, et on (re)découvre avec intérêt la jeune Milena Csergo qui ne démérite vraiment pas aux côtés de ses aînées plus que chevronnées.
- Chacune des comédiennes interprète sa partie avec justesse, dans un registre grave sans pour autant s’interdire de petites touches d’humour. Chacune épate par sa présence scénique et aucune ne tire la couverture à elle.
- La pièce offre plusieurs dimensions. Dimension politique, bien sûr, puisqu’il y est fortement question du déterminisme, de la façon d’habiter sa condition sociale et de (ne pas) pouvoir en sortir, sinon par le mensonge et l’imposture – une thématique bien connue de la littérature et du cinéma.
Dimension psychologique, aussi : le grand âge, avec ses confusions et ses finesses ; la tendresse, qui vient compliquer malgré soi le mensonge et mène à la vérité du coeur ; le mensonge, pour exister, pour aimer et pour être aimée.
Quelques réserves
- Le thème classique et un peu rebattu de l’imposture et de ses justifications.
- Pourtant écrite en 1999, la pièce donne l’impression bizarre de sortir d’un autre temps. A l’origine de cette impression, le langage, peu contemporain, et le personnage de Joëlle la mère, arc-boutée sur des valeurs de dignité dans la pauvreté assumée, d’un «ça-me-suffit » confiant qui, en plein mouvement des Gilets jaunes, sonnent de manière désuète. La révolte en sourdine de Joëlle la fille ne suffit pas à effacer cette impression.
- Excellentes chacune à leur façon, Catherine Hiegel et Clotilde Mollet sont justement des comédiennes trop typées pour former un tandem qui fonctionne. On attendrait face à la bourgeoise une auxiliaire de vie plus moderne, qui ressemble davantage à celles d’aujourd’hui.
Encore un mot...
Un bon moment de théâtre pour tous, qui brasse des thèmes intéressants et nombreux, et qui laisse admiratif devant le talent multiforme et toujours renouvelé de Catherine Hiegel.
Une phrase
« - Inutile! La nuit, chez moi? Sacré non! Pour quoi faire?
- Pour veiller sur vous. Vous dormirez tranquille.
- Ma fille, dormira tranquille, elle. C’est pourquoi elle vous paie.
- La nuit vous effraie.
- Elle vous a dit ça?… Oui, la nuit, le silence, je m’y perds, mais… est-ce que j’aurai moins peur enfermée avec vous, qui ne comprend rien, une étrangère, croyez-vous que je puisse dormir en vous sentant rôder dans tout l’appartement ?
- Je me tiendrai là, vous ne m’entendrez pas. Et si vous avez besoin, si jamais…
- Puisque ça vous amuse, restez, je vais me coucher !
- Prenez mon bras…
- Assez ! J’en ai assez qu’on m’impose des choses ! »
L'auteur
Issue du Conservatoire, d’abord comédienne, Catherine Anne est depuis de nombreuses années femme de théâtre et de terrain avec une trentaine de pièces publiées et jouées en France et à l’étranger. Elle a dirigé pendant dix ans le Théâtre de l’Est parisien mais crée aussi bien sur les grandes scènes qu’en milieu rural. Elle a été Prix Arletty et Grand Prix de Littérature dramatique.
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