Tous des Oiseaux
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Thème
C’est une histoire, à la fois venue depuis la nuit des temps et d’une brûlante actualité. Une histoire universelle, qui aborde la question des racines, du sentiment d’appartenance et de l’altérité; et aussi une histoire singulière, qui va mettre, face à face, irrémédiablement déchirés et meurtris, des Israéliens et des Palestiniens.
Tout commence dans une bibliothèque. Eitan, un jeune scientifique allemand d’origine israélienne (Jérémie Galiana) est troublé par Wahida, une étudiante américaine d’origine palestinienne (Souheila Jacoub). Il est d’autant plus attiré par elle, qu’elle travaille sur un livre qui l’obsède, celui d’un diplomate musulman qui, fait prisonnier au XVème siècle par des pirates, se convertit au christianisme en échange de sa libération, et se fit connaître sous le nom de Léon l’Africain.
Eitan et Wahida vont s’aimer passionnément, oubliant leurs origines, leur culture et leur religion. Mais celles-ci vont les rattraper et, finalement, les séparer.
Le cataclysme qui provoque cette séparation, c’est le père d’Eitan qui va le déclencher. Fou de douleur que son fils abandonne cette judéité qui le constitue, lui et avant lui, ses propres parents, ce père va entrer dans une colère colossale. Au cœur de son courroux, se trouve la question, si primordiale, de l’identité.
Au terme d’échanges à la fois brillants, simples, profonds, déchirants, et tonitruants, traversés d’humour aussi par moments, démonstration sera faite que l’identité peut enfermer, jusqu’à faire d’un être, le pire ennemi de lui même.
Pendant presque tout le spectacle, la guerre sera omniprésente, symbolisée par des bruits d’avions de chasse et des échos d’attentats.
Points forts
- Il y a longtemps qu’on n’avait pas assisté à Paris à une création d’une telle envergure. Quel récit ! Quel rythme ! Quelle langue aussi, à la fois dense et affutée. Chaque mot, chaque phrase porte. C’est précis, intelligent, profond, sans aucune emphase ni formule « tape à l’œil ».
Wadji Muawad est, décidément, l’un des plus grands dramaturges du moment. Il nous entraîne au cœur de ces débats (politiques, existentiels, religieux…) qui chamboulent hommes et citoyens, et hop, au détour d’une réplique, au moment où on s’y attend le moins, il nous fait éclater de rire, sans que, jamais, cela ne le détourne de son propos. Le rire, chez lui, est conçu comme une pause ou une respiration, jamais comme une esquive.
- Unanimement, les neuf interprètes sidèrent par leur justesse, leur sobriété et leur intensité, incroyables. Tous, parlent tour à tour l’hébreu, l’allemand, l’arabe et l’anglais, comme pour dire que l’homme, quel que soit son degré d’arc-boutement à une religion ou à une nationalité, est toujours le résultat d’un enchevêtrement de racines.
Wadji Mouawad, le sait mieux que quiconque, lui le libanais chrétien maronite, qui dût fuir son pays pour cause de guerre, et qui, depuis, se « nourrit » des terres sur lesquelles il s’est posé.
- Parce qu’il jongle donc entre plusieurs langues, le spectacle est sur-titré. Mais ces sur-titrages sont d’une lisibilité qui ne fatigue ni l’œil, ni l’esprit. Ils facilitent au contraire la compréhension du spectateur.
A l’instar des décors, très bien éclairés, mais réduits au minimum : des panneaux modulables qui servent parfois d’écran, et des accessoires qui se limitent à une table et quelques chaises. Laissant tout l’espace du plateau, pour la circulation des acteurs.
Quelques réserves
Un spectacle de quatre heures, sans la moindre faille, sans le moindre essoufflement, sans une seule faute de goût ou faiblesse d’interprétation ? Mais oui.
Et on ajoute même, parce que c’est rarissime, sans la moindre toux, ni le moindre bruit dans la salle. En tous cas le soir où nous y étions.
Encore un mot...
D’une rare puissance théâtrale, « Tous des Oiseaux », laisse pantois. A l’issue de ces quatre heures de jeu et de mots d’une intensité et d’une émotion folles, il faut quelques secondes pour reprendre son souffle. On se lève alors pour une ovation sans fin.
Une phrase
- « Il n’y a pas qu’une vérité. Et c’est ça la vérité ».
- « Il faut guérir lentement, consoler lentement ».
- « Ce n’est pas la vérité qui crève les yeux au héros, mais la vitesse à laquelle il la reçoit ».
L'auteur
Metteur en scène, auteur, comédien, directeur artistique, plasticien et cinéaste, et, depuis deux ans, « patron » du théâtre de la Colline, Wajdi Mouawad, est sans doute aujourd’hui l’une des plus importantes « voix » du théâtre dans le monde.
Né le 16 octobre 1968 au Liban, Wadji Mouawad a sept ans quand, pour cause de guerre civile, sa famille quitte ce pays, pour s’installer d’abord en France, puis, en 1983, au Québec, dans la ville de Montréal, où, jeune homme, il suit une formation d’acteur.
De 1990 à 1999, il intègre la compagnie Théâtre Ô parleur, y signe de nombreuses mises en scènes, la co-dirige et y monte ses premières pièces, dont « Littoral » et « Incendies », qui deviendront les premiers volets d’une tétralogie intitulée « Le Sang des Promesses ».
En 2000, il est nommé à la direction du « Théâtre de Quat’Sous », qu’il quitte en 2005 pour fonder des compagnies de créations.
L’écho de ses nombreux succès Outre-Atlantique parvient en France, où il va monter plusieurs de ses pièces dans de nombreux centres dramatiques (dont le TNS) et festivals, parmi lesquels Avignon.
En 2009, il reçoit le Grand prix du théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre dramatique, traduite désormais en vingt langues.
En 2010, sort sur les écrans, « Incendies », une adaptation cinématographique de sa pièce.
En 2016, il est nommé à la direction du Théâtre National de la Colline. Il y présente la même année « Les larmes d’Œdipe », une adaptation très personnelle d’« Œdipe à Colone », la pièce de Sophocle
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