Tchekhov à la folie. La demande en mariage et L'Ours
Le conflit, la colère, la violence c'est la vie semblent nous dire ces deux pièces de jeunesse. Les contradictions aussi, puisqu'après avoir dénoncé avec virulence la mécanique de la construction des genres, et dit pis que pendre des femmes, Smirnov succombe au charme de la belle à fossettes. Rien de très mémorable dans ce spectacle, mais on rit et on passe une bonne soirée.
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Thème
La Demande en mariage
Lomov vient demander Natalia Stepanovna en mariage. Une querelle au sujet de quelque propriété surgit bientôt entre la jeune femme et son prétendant inespéré, tournant au règlement de compte. Passablement hypocondriaque, le jeune homme prend la fuite mais il est rappelé par le père de Natalia et la dispute rebondit au sujet, cette fois, des mérites comparés de chiens de chasse. Après un évanouissement et quelques émotions, la demande est faite et acceptée, promesse pour ces deux querelleurs d'un mariage orageux.
L'ours
Une jeune veuve, Elena Ivanovna Popova, s'est retirée entre ses quatre murs pour pleurer un mari qui n'a été ni très aimant ni très fidèle mais au souvenir duquel elle entend manifester sa loyauté indéfectible et son pardon. Elle est troublée dans sa retraite par l'arrivée inopinée d'un lieutenant, Grigori Stepanovitch Smirnov, venu réclamer sa créance. Ils se disputent et s'insultent si bien qu'il la provoque en duel, piétinant la profession de dédain pour la gent féminine qu'il vient de formuler. La mâle réaction de la belle bouleverse l'impulsif Smirnov qui s'attendrit.
Points forts
- On rit beaucoup des échanges tumultueux et grotesques de ces personnages menés à un rythme effréné. On s'amuse de leur opiniâtreté et de leur entêtement, qui n'ont pas le temps de lasser tant le tout est enlevé.
- Le décor, un intérieur réaliste d'isba, est joli, soigné et astucieusement déconstruit à la toute fin de l'Ours comme pour ouvrir la pièce à la nuance, lui faire respirer un autre air, qui n'est pas de pure comédie.
Quelques réserves
- La mise en scène prend le parti de la farce. Pourquoi pas ? Mais outre que cela confère aux pièces un ton un peu outré, excessivement tonitruant et inutilement grimaçant - surtout dans La demande en mariage - , c'est aussi faire bon marché de l'ambiguité qui, comme toujours chez Tchekov, caractérise ces situations et ces personnages.
- L'âge de l'excellent Jean-Paul Farré est indéniablement une limite puisqu'il rend peu crédible le rapprochement amoureux final de l'Ours. Il est vrai qu'en désérotisant ce rapprochement, il lui donne une tonalité plus sensible, plus admirative, plus affective qui n'est pas sans charme.
Encore un mot...
Si vous êtes de ceux -nombreux- qui considèrent Tchekhov comme l'un des trois plus grands auteurs de théâtre, avec Shakespeare et Racine, alors allez voir ces deux courtes pièces de ses débuts où l'on entrevoit déjà ses grands thèmes, mais la drôlerie en plus.
Une phrase
« Je tombe amoureux, la tête la première ! Je demande votre main. Oui ou non ? »,
L'auteur
Habituellement présentées ensemble, ces deux pièces « laboratoire », ont en 1888 assuré les premiers succès de Tchékov. Entrées au répertoire de la Comédie française en 1957, ces deux « plaisanteries » sont ici proposées dans une traduction d'André Markowicz et de Françoise Morvan. Elles permettent de saisir Tchékov dans sa jeunesse, maniant le grotesque et le cocasse, troublant le partage entre drame et comédie. Aussi bien ce Tchekhov-là, facétieux et ironique, n'est pas si loin de l'auteur de la Mouette : s'ils sont risibles, la folie et l'emportement de ses personnages ne laissent pas augurer un bonheur sans nuage.
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