SYLVIE DORLIAT: La petite fille de Monsieur Linh
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Thème
Un bateau arrache le vieux Monsieur Linh à son pays natal. La guerre lui a tout pris. Elle ne lui a laissé que Sang Diû, sa précieuse petite-fille, nouveau-né de quelques semaines qui dort dans ses bras. Quand il débarque dans une ville du nord après un interminable voyage, Monsieur Linh est un égaré. Il ne retrouve ni les couleurs, ni les odeurs, ni le ciel, ni surtout la bienveillance de son lointain pays. Dans le dortoir où on l'installe, les autres immigrés se moquent de lui et on ricane des soins malhabiles, incessants et inquiets qu'il prodigue à la fragile Sang Diû. Il a tellement peur qu'on lui vole l'enfant !... Un jour, pourtant, bravant son angoisse, Monsieur Linh sort promener la petite dans les rues étrangères et s'assied sur un banc. Il est abordé par Monsieur Bark, un gros homme veuf et bon, aussi désespérément seul que lui, avec lequel il va tisser une amitié pudique et profonde...
Points forts
- - La grande force du spectacle est la narration du texte superbe de Philippe Claudel, conte à la fois cruel, poétique et émouvant de l'exil, de la solitude et de l'amitié.
- - Sylvie Dorliat réussit la gageure d'adapter le roman pour la scène sans en abîmer la poésie malgré les coupes inévitables.
- - La sobriété du décor et des lumières plonge le spectateur dans une intimité onirique avec la comédienne et la narration.
- - Le texte, écrit en 2005, continue de résonner avec l'actualité tragique des migrants et le sort que l'Occident leur réserve.
Quelques réserves
- - Seule sur scène à incarner plusieurs personnages tout en prenant en charge la narration, Sylvie Dorliat ne convainc pas complètement, en dépit de son implication. Son jeu, sensible et sincère, est trop souvent emphatique et manque de nuances pour endosser les différents rôles, surtout dans un espace aussi petit que le plateau du Lucernaire qui exigerait un jeu plus contenu et intériorisé.
Encore un mot...
Déjà jouée en 2017, l'adaptation de Sylvie Dorliat a remporté un beau succès au Lucernaire, d'où cette reprise. Mais, entre lecture et geste théâtral, l'ensemble ne m'a pas accrochée, faute de parti-pris abouti. J'aurais aimé que le travail dramatique soit poussé plus loin, et me sentir davantage au théâtre.
En tous les cas, Sylvie Dorliat et le Lucernaire donneront envie à tous de lire ou relire le roman magnifique de Philippe Claudel. C'est le meilleur compliment que je puisse leur faire.
Une phrase
Ou plutôt deux:
- « Monsieur Linh (...) contemple la petite fille qu'il a posée sur la banquette à ses côtés et qui a fermé les yeux lorsqu'il l'a couchée. 'Sang Diû', reprend-il avec fierté, parce qu'il la trouve très belle, qu'elle ressemble à son fils, à la femme de son fils, et qu'à travers elle il remonte au portrait aimé de sa femme à lui. »
- « Le vieil homme s'incline à trois reprises pour saluer Monsieur Bark, et celui-ci, comme il ne peut serrer la main de Monsieur Linh qui tient la petite fille contre lui, pose la sienne sur celle du vieil homme, lourdement, avec chaleur. Monsieur Linh sourit, c'est tout ce qu'il souhaitait. »
L'auteur
Philippe Claudel est né en 1962 en Meuthe et Moselle. Membre de l'Académie Goncourt, couronné par le Prix Renaudot pour "Les Ames grises" et par le Goncourt des lycéens pour "Le Rapport Brodeck", il est également auteur de nouvelles, de pièces de théâtre et de scénarios. Il a reçu le César du Meilleur Premier Film pour "Il y a longtemps que je t'aime".
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