Sur les cendres en avant
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Thème
Quatre femmes que l’on pourrait décrire grossièrement comme « la pute fauchée »(Macha), « la résignée pincée » (dite la femme assise), « l’adolescente en crise » (Nina) et « l’épouse jalouse » (dite la femme armée) vont voir leur destins se lier. Macha qui gagne (mal) sa vie en vendant ses charmes vit avec sa petite soeur Nina laquelle rêve de faire des claquettes à Broadway (au détriment de ses études qu’elle abhorre)… Leur voisine de toujours, Mademoiselle Rose (la femme assise), se trouve être d’autant plus leur voisine que le feu a réduit en cendres la cloison qui sépare son local de celui des deux autres femmes. Forcées de cohabiter dans le même espace, toutes trois s’exaspèrent… Surgit la quatrième ( la femme armée) qui, brandissant une carabine, s’en prend à Macha avec laquelle son mari la trompe. De fil en aiguille, ce sont quatre solitudes qui, s’étant d’abord confrontées, vont se rapprocher et s’allier pour « faire front » à la vie. Comme le dit Chloé Olivères (qui joue de rôle de Mademoiselle Rose), « l’enfer c’est les autres, mais ici c’est aussi la salvation ».
Points forts
Il aurait fallu le dire de prime abord : nous sommes dans une pièce chantée, de la première à la dernière minute. Ni opéra, ni comédie musicale, ni music-hall, voilà une œuvre totalement originale dont Pierre Notte a écrit les textes et la musique. On pense à Chantons sous la pluie de Gene Kelly et Stanley Donan, aux Parapluies de Cherbourgde Jacques Demy (mais ici c’est beaucoup plus drôle !), on pense au film de ResnaisOn connaît la chanson, on pense même à des cantates de Bach, mais toute comparaison est impuissante à exprimer le charme, l’humour et la richesse musicale de cette pièce.
- Une trouvaille de la mises en scène :les deux appartements sont figurés par des traits au sol, un peu comme sur un plan d’architecte, et la voix « off » de Nicole Croisille conseille au spectateur d’user de son imagination, notamment quand un morceau de plafond se détache et tombe, alors que rien ne tombe, justement !
- Quel défi que celui de jouer et de chanter en même temps, sans que jeu ou chant ne l’emportent.
- Le texte est très bien écrit dans une langue simple et ordinaire, parfois crue ou violente, parfois émouvante et poétique, mais toujours juste.
- N’oublions pas la pianiste : à travers la musique qu’elle joue, elle est le cinquième personnage du tableau.
Quelques réserves
On peut peut-être déplorer quelques répétitions (« je ne suis pas fatiguée », répète Macha, pourquoi si souvent ?) ou quelques invraisemblances (telle l’histoire du mari de la femme armée qui opte pour l’abstinence et la prière…) mais n’avons-nous pas besoin d’invraisemblances pour rêver un peu et rire beaucoup ?
Encore un mot...
Bravo à une pièce qui, évitant le piège du féminisme insistant, nous raconte la métamorphose de femmes peu attachantes en figures rendues extraordinaires par le chant et la musique… Moralité : pour mieux accepter l’autre, chantons ! Et c’est ce que l’on a envie de faire en sortant…
Une phrase
« Mais où est donc mon épluche-légumes ! » répète Nina, dont on découvre qu’elle pèle ses jambes pour les affiner afin d’être plus apte à faire des claquettes !
L'auteur
Auteur, compositeur, metteur en scène, comédien, Pierre Notte est depuis 2009 auteur associé et rédacteur en chef au Théâtre du Rond-Point, où il a écrit et mis en scène notamment J’existe ( foutez-moi la paix) (2009), Sortir de sa mère et La Chair des tristes culs (2013) ; Perdues dans Stockholm (2014) et C’est Noël tant pis (2015). Auteur de Moi aussi je suis Catherine Deneuve et Journaliste, il collabore avec Patrice Kerbrat, Stéphane Guérin, Alain Timar ou, plus récemment, Jean-Luc Lagarce. Ses pièces ont été jouées dans de nombreux pays d’Europe, mais aussi aux Etats-Unis, au Liban, en Russie et au Japon (où il a signé en 2015 la mise en scène de Moi aussi je suis Catherine Deneuve en japonais). Il est l’auteur de romans et de pièces radiophoniques pour France Culture. Il signera le 3 septembre prochain la mise en scène d’une soirée consacrée à Éric Satie au Rond-Point, Night in white Satie – L’Adami fête Satie.
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