Still life
Infos & réservation
Thème
Mark, un jeune Américain, a fait la guerre en Afghanistan. Il est rentré chez lui sain et sauf, du moins en apparence. Il a retrouvé son épouse, enceinte aujourd’hui, puis il a rencontré une autre femme, avec laquelle il mène une relation parallèle. Ces trois êtres, maltraités par la vie, tentent de trouver un semblant d’équilibre.
Points forts
1- Contrairement aux Français, plus embarrassés, plus pudiques, moins concernés peut-être, les auteurs américains n’ont jamais craint d’aborder frontalement au théâtre comme au cinéma les horreurs privées et intimes de leurs guerres récentes, le retour problématique des rescapés, leurs séquelles, leurs difficultés profondes à reprendre une vie normale. Le sujet abordé ici fait donc figure d’exception.
2- Autre particularité : l’auteur de ce texte martial est une femme. Même si Emily Mann s’appuie sur des témoignages réels, sa perception et son ressenti confèrent à son œuvre une couleur particulière. Ses personnages ne sont pas convenus, et leurs propos souvent inattendus, comme lorsqu’elle soutient que dans la vie, contrairement à l’idée communément admise, ce ne sont pas les hommes qui protègent les femmes mais l’inverse, ou qu’elle doute que le patriotisme soit une raison suffisante pour justifier toutes les guerres. Il doit y avoir une jouissance suprême à se battre, soupçonne-t-elle.
3- La première version de « Still life » date de 1981. Emily Mann mettait en scène un soldat rescapé du Vietnam. Trente ans plus tard, elle a repris son texte pour évoquer la guerre menée par les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan. Il est toujours bon de souligner l’intemporalité de certains thèmes…
4- Adaptateur attentif et fidèle, Pierre Laville a eu raison de ne pas traduire le titre de la pièce originale. « Still life » a deux significations en anglais, « Encore en vie » et « Nature morte » ; Mark, le héros, se trouve juste entre les deux.
5- Il s’agit d’un théâtre de la confidence, où le quatrième mur n’existe pas. Tournés vers la salle, les personnages s’adressent directement aux spectateurs. Cadenassés dans leur solitude, ils racontent et se racontent. C’est à peine si il leur arrive de dialoguer. Et pourtant les trois beaux comédiens solistes nous livrent un superbe travail de troupe.
Quelques réserves
Si l’on en juge par le silence qui règne dans la salle, il ne doit pas y en avoir.
Encore un mot...
Comment reprendre une vie normale après avoir connu et surtout perpétré les horreurs de la guerre ? Par sa forme et son discours, la pièce d’Emily Mann est inhabituelle. Rêche, sans sensiblerie, magnifiquement interprété, ce texte nous émeut et nous poursuit longtemps après la représentation.
Une phrase
Mark : « La grande question que je me posais depuis toujours à mon sujet était comment je me comporterais au combat. Pour savoir quelle sorte d’homme je suis. J’ai lu mon Hemingway, vous savez… Le fond du problème c’est qu’on ne devrait pas avoir à vivre ça. Je casserais moi-même les deux jambes à mon fils pour lui éviter ça. »
L'auteur
Emily Mann est une dramaturge et une metteuse en scène américaine. Elle dirige le McCarter Theatre de Princeton depuis 28 saisons. Elle a écrit une dizaine de pièces de théâtre (« Greensboro », « Execution of Justice », « Annulla, an autobiography »…) et plusieurs scénarios. Entre autres, elle a monté des œuvres de David Mamet, Edward Albee, Tennessee Williams, Anton Tchekhov, et plus récemment « The 20th Century Blues », la dernière pièce de Susan Miller.
Ajouter un commentaire