Splendid's
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Thème
Au septième étage d’un hôtel de luxe américain, le Spendid’s, sept gangsters aux surnoms de petits loubards de banlieue, (Riton, Johny, Rafale, Pierrot, Bob, Bravo et Scott), bientôt rejoints par un flic qui a trahi son camp, sont cernés par la police. Pour avoir kidnappé puis étranglé par accident la fille d’un milliardaire américain, ils savent qu’ils n’en ont plus pour longtemps. Pour essayer de retarder l’assaut, le chef du gang va enfiler la robe de la victime et tenter une apparition sur le balcon du palace. Rythmée par les interventions radiophoniques d’une journaliste, va s’en suivre une sorte de danse de mort, aussi violente que fascinante, d’une sensualité folle et d’une poésie viscéralement troublante. Car les huit hommes présents sur le plateau, vont se défier et se séduire, selon les rites d’un cérémonial macabre d’une intensité grandissante au fur et à mesure de l’approche inéluctable de leur mise à mort. Pour le spectateur, l’effroi en même temps que la sidération.
Points forts
- Le texte bien sûr. On le sait, Jean Genêt était irrépressiblement attiré par les hommes, les voyous et les assassins. « Splendid’s », qui charrie brutalité et sensualité dit cette fascination, dans un langage souvent cru, parfois difficile à saisir, mais toujours poétique. Pas de triche ici, Genet n’enjolive jamais. Il balance ses mots avec la sincérité des jusqu’auboutistes. On s’ y écorche, mais tant pis, car c’est magnifique .
- La mise en scène. Arthur Nauzyciel qui la signe , dit qu’il a aimé « Splendid’s » parce que, contrairement aux autres pièces de Genet , elle n‘est pas trop théâtrale, et surtout parce qu’elle met en scène un « rituel », quelque chose donc à mi-chemin entre le vécu et l’imaginaire. Pour la représenter, il a choisi de placer ses acteurs dans un décor très « cinématographique » ( un couloir d’hôtel de luxe aux allures de claque, dont les portes sont closes, mais derrière lesquelles on peut imaginer qu’il a dû s’en passer de belles !) et les fait jouer selon une gestuelle très chorégraphiée. D’où, pour le spectateur, une impression de distanciation, en parfaite adéquation avec l’univers de la pièce.
- Les comédiens. A l’exception de Xavier Gallais (qui joue le policier), ils sont tous américains. Et ils sont tous (Xavier Gallais compris) excellents, qui donnent à entendre la musicalité et la sauvage beauté du texte ( même si, ici, ce texte est donné en anglais – le texte original étant projeté sur des écrans de sur-titrage-)
- La voix de la journaliste. C ‘est Jeanne Moreau qui lui prête la sienne ( elle est la seule à s’exprimer en français) et bien sûr, ton, timbre, interprétation.. Ça étincèle d’intelligence et de justesse.
- La projection, en ouverture du spectacle, du seul film de Jean Genêt, « Un Chant d’amour ». Le poète l’avait réalisé , en 1950, après avoir écrit Splendid’s, mais Arthur Nauzyciel dit s'être inspiré de son univers (carcéral) et de ses images (très érotiques, pour certaines, proches de la pornographie) pour établir sa mise en scène.
Quelques réserves
Arthur Nauzyciel explique qu’il a choisi de faire jouer « Splendid’s » en américain, pour rendre hommage au rêve hollywoodien de Genet. Pour susciter aussi une autre écoute de la pièce et instaurer la distanciation appelée par celle-ci. C’est une idée formidable. Elle serait parfaite si les projections des sous-titres du texte original n‘obligeaient à un aller et retour permanent du regard, entre leur lecture et ce qu’il se passe sur le plateau. C ‘est assez fatiguant et au bout du compte légèrement frustrant, car on a l’impression de perdre un peu de la beauté du texte, un peu du jeu des acteurs.
Encore un mot...
Splendid’s est une pièce rare sur les scènes françaises. Pour les amoureux de l’univers sulfureux et vénéneux de Genet , cette seule raison serait suffisante pour qu’ils se précipitent à cette création. Mais dire à tous les amoureux de l’art théâtral qu’en y allant aussi, ils verront un spectacle d’une beauté formelle assez époustouflante, d’une éclatante force poétique
L'auteur
Né le 19 décembre à Paris, Jean Genet ne connaitra jamais ses parents. Pendant son enfance, il sera placé d’abord à l’Assistance publique, puis chez des paysans du Morvan. Injustement accusé de vol à l’âge de dix ans, il est envoyé dans une Maison de correction. C ‘est le début d’une vie vagabonde en France et en Europe, qui alternera séjours en prison et actes délictueux, dont des vols de…livres. C ‘est à Fresnes qu’il écrira, en 1942, son premier poème, « Le Condamné à mort ». . En I948, après une nouvelle récidive de vol d’éditions rares, il échappera à la relégation grâce notamment à Jean Cocteau, qui viendra le présenter à la barre comme « le plus grand écrivain de l’époque moderne ».Car la carrière littéraire du poète est alors déjà bien engagée .D ailleurs son activité d’écrivain fera qu’il abandonnera la délinquance. Sa révolte s’exprimera ailleurs, dans ses écrits et dans ses engagements politiques. Par exemple, on le verra prendre la défense des « Black Panthers » et celle des prisonniers. Il mourra d’un cancer à Paris en 1986.
Parmi les œuvres de celui qu’on a souvent défini comme le poète du vol, du crime et de l’homosexualité, des romans, dont « Pompes funèbres »( 1944), « Notre-Dame des Fleurs »( 1946), et aussi des pièces de théâtre dont « Les Bonnes » (1947), « Le Balcon » (1956), et « Les Paravents » ( 1961).
« Splendid’s », écrit dans une prison en 1948, tient une place à part dans son œuvre. Il ne cessera en effet de le renier, tout en le remaniant constamment. Ce texte ne sera publié qu’après la mort de l’écrivain, en 1993. Sa première création scénique en France s’est faite en 1995, au théâtre des Amandiers de Nanterre.
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