SORCIERES

Elles mettent le feu aux planches !
Une lecture musicale d’après le texte de Mona Chollet
Mise en scène
Elodie Demey, Mélissa Phulpin, Géraldine Sarratia
Avec
Lucie Antunes, P.R2B, Annabelle Lengronne, Claire Dumas, Valérie Donzelli, Christiane Millet (en alternance)
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Atelier
Place Charles Dullin
75018
Paris
01 46 06 4924
Du 27 septembre au 9 novembre 2022 – les mardis et mercredis à 19h – jeudi 3/11 à 19h

Thème

  • De tout temps la femme a été affublée de l’image  d’un être maléfique, objet de la malédiction divine et dotée de pouvoirs sataniques. Depuis le 12ème siècle tous les malheurs des hommes ont, dans l’imaginaire populaire, été provoqués par les sorcières. Accusées d’avoir copulé avec le diable, elles sont vouées à finir au bucher. Aujourd’hui le collectif A définir dans un futur proche  remet les Sorcières de Mona Chollet sur le devant de la scène, trois ans après la sortie de son essai culte. En effet, «  la chasse aux sorcières est loin d’être finie », affirme Anna Mouglalis, l’une des quatre interprètes / « lectrices musicales » de ce manifeste. On assiste - c’est une démonstration joyeuse et pleine d’humour - à la résurgence de l’image de la sorcière dans de multiples incarnations contemporaines, telles la femme sans enfant, la femme célibataire, la femme aux cheveux blancs…
  • Non, la femme n’est pas encore libérée. Elle est encore trop souvent confinée dans des rôles convenus, contrainte par des normes dominantes dans une  société structurée par l’ordre social,  par des impératifs  religieux, par le mythe idéal de la féminité. Mais ici « Sorcières » est aussi une lecture musicale consistant en une mise en correspondance de fragments de textes de l’ouvrage avec des chansons et des parties instrumentales qui ponctuent les lectures à la manière d’un « chœur antique ». Depuis « Ma sorcière bien aimée » et celle de Jules Michelet, nos sorcières sont définitivement devenues, selon le mot de l’autrice, de super héroïnes.

Points forts

Le texte, fragments du livre best-seller de Mona Chollet, lu alternativement par quatre interprètes, à la fois grave, sérieux, archi documenté et plein d’humour.  Mona Chollet fait appel à de multiples sources, notamment américaines ou françaises comme Simone de Beauvoir, ou Virginia Woolf, Virginie Despentes ou Pénélope Cruz. Dans une première partie on nous abreuve de chiffres indiscutables et de citations authentiques, comme pour une soutenance de thèse de sociologie ou d’histoire. Cette démonstration féministe n’est cependant pas du tout pesante. Cette lecture à quatre mains est joyeuse et vivante du début jusqu’à la fin. D’autant qu’elle est rythmée par une batteuse émule de Kenny Clarke et une guitariste déchainée façon Jimmy Hendricks. Comme plaidoyer pour la cause féminine devant un tribunal des flagrants délires, difficile de faire mieux. 

Quelques réserves

  • On connait un peu trop maintenant la petite musique des féministes même si, malheureusement, les contraintes dramatiques de toutes sortes remettent ce thème sur le devant de la scène internationale
  • Pour notre soirée l’entrée en matière peinait à se faire entendre, la première lecture était un peu hésitante, tant il est difficile dans une distribution en alternance de mettre 26 interprètes, dont les musiciennes, au même niveau. A noter : Suzanne de Baecque et Jennifer Decker de la Comédie Française animent, entre autres, les représentations des 3, 8 et 9/11.Valeurs sûres !

Encore un mot...

« Si vous êtes une femme et que vous osez regarder à l’intérieur de vous-même, alors vous êtes une sorcière », telle est l’entrée en matière des « Sorcières » de Mona Chollet (2018), tiré de W.I.T.C.H, le mouvement radical lancé à New York en 1968 qui se définissait comme une pensée en marche, un combat. Ce manifeste a été créé par un groupe de femmes qui voulaient faire du théâtre « guérilla » itinérant. Aujourd’hui, de Pékin à Moscou et de Téhéran à Kaboul, la réalité, hélas, dépasse la fiction

Une phrase

(première lecture musicale)

« La misogynie a été au cœur des persécutions. Les sorciers  sont peu de choses assure le « Malleus maleficarum »  (écrit par les dominicains au 15ème siècle). Ses auteurs estiment que s’il n’y avait pas la malice des femmes, sans même parler de sorcières, le monde serait délivré d’innombrables périls. Faibles de corps et d’esprit, animées par d’insatiables désirs de luxure, elles sont censées faire des proies faciles pour le Diable. Dans les procès elles représentent en moyenne 80% des accusées et 85% des condamnées. »

L'auteur

  • Mona Chollet est une journaliste essayiste franco-suisse, née à Genève il y a 49 ans. Pour la petite histoire, sa mère est professeure de théâtre. Elle est diplômée de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille. Elle rejoint brièvement l’équipe de Charlie Hebdo (avant les évènements) qu’elle quitte pour cause de militantisme pro palestinien ! Elle rejoint ensuite  (2005) sagement le Monde diplomatique. Elle  y travaille aujourd’hui comme cheffe d’édition. Parallèlement  et très vigoureusement elle organise et conceptualise la pensée féministe lors de conférences et au travers de ses nombreux écrits très documentés - et somme toute assez mesurés (elle vilipende les Femen).
  • En premier lieu « Chez soi, une odyssée de l’espace domestique », puis « Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliénation féminine » (ou la mode et les artifices esthétiques  en prennent pour leur grade), « La revanche de l’amour, comment le patriarcat sabote les relations sexuelles » (dans le couple hétéro !). Enfin « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » (2018, éditions La Découverte) rencontre un succès franc et massif (250 000 exemplaires déjà, il y a un an, Prix de l’Essai psychologie Fnac 2019).

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