Rouge
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Thème
New-York à la fin des années 50, dans son vaste et sombre atelier encombré, Mark Rothko, alors au sommet de sa carrière et ambitionnant de transformer un restaurant en Temple dédié à la peinture, prépare de grandes peintures murales commandées par le très luxueux Quatre saisons.
Il embauche pour l’assister un jeune homme à qui, tout en lui montrant comment mélanger les pigments, assembler les châssis et tendre les toiles, il parle inlassablement. En de longs soliloques souvent furieux, il livre quelques bribes de sa propre existence - la révélation d’une toile de Matisse, l’Atelier rouge, qu’il découvre peu après son acquisition par le MoMA en 1949 - sa vision de l’art - un art nourri par la lecture en particulier celle de Nietzsche, et la réflexion - de la vie – tragique. Il insiste sur l’expérience totale que constitue la contemplation de ses œuvres, sur le rapport actif qu’il entretient avec les œuvres des autres et qu’il attend des amateurs de ses peintures, ces immensités de couleur invitant le spectateur à pénétrer dans leur lumière.
D’abord soumis et docile, le jeune homme se rebelle soudainement, mettant en question les théories du maître et lui reprochant sa compromission mercantile. Les deux hommes s’affrontent et se séparent, le maître reconnaissant l’artiste en l’élève et pour cela même le congédiant et le lançant littéralement dans la vie.
Points forts
Tout est fort et beau dans ce spectacle : le texte sublimé par l’incarnation des deux comédiens. Arestrup, sans écraser l’excellent Alexis Moncorgé, arrive à nous faire croire qu’il est Rothko, massif, taurin et tactile. Mais plus encore, tant la dramaturgie est dans sa voix et son corps, il parvient à nous faire oublier tout ce qui n’est pas la pesante et dense présence de ses mots et à nous installer dans la vie et le vif d’un artiste. Il y a de la musique certes et elle compte, des éclairages, somptueux, une mise en scène vivante, mais c’est à peine si on remarque tout ceci, happés par l’incarnation de cette tragédie.
Quelques réserves
Je n’en vois pas, est-ce parce qu’il n’y en a pas ?
Encore un mot...
Avec ce duo qui, après la grâce de la rencontre, tourne au duel, il ne s’agit pas seulement de l’art et du temps qui fait succéder au cubisme l’expressionnisme abstrait et à l’expressionnisme abstrait le pop art et les post dada. Le propos excède l’éternel recommencement de la querelle des anciens et des modernes, il excède Mark Rothko, cet homme du livre dont Logan a repris quelques phrases.
Hors champ, le monde est pourtant présent au sein de ce huis clos qui fait s’affronter deux générations et donc deux dynamiques créatrices et vitales, deux temporalités. Pendant 1h50, le spectateur est emporté dans une méditation sur le tragique et l’extase qui lui rappelle, comme le dit le personnage, que tout est important : l’art est important, il n’est pas « sympa », il n’est pas « cool », il n’est pas amusant. C’est une tragédie sans pompes, comme l’existence, dans laquelle le noir finit par l’emporter sur le rouge.
Et pourtant on sort du théâtre vivifié et remué avec l’envie de remonter ses manches. Courez voir ce spectacle salubre, vivre ce moment intense et inoubliable.
Une phrase
Tu vas laisser le tableau travailler. Mais il va falloir l’aider. Que tu ailles à sa rencontre. Faut que tu entres en lui.
Peindre c’est penser.
Quand un mec regarde un de mes tableaux et dit que c’est beau j’ai envie de gerber.
L'auteur
Scénariste prolifique et éclectique, de James Bond (Skyfall, Spectre) à Scorsese (Hugo Cabret, Aviator) et producteur de télévision, John Logan est d’abord et depuis 1985, un dramaturge. Depuis décembre 2009, Red, créée à Londres puis reprise à Broadway, a obtenu 6 Tony Awards et connaît un succès ininterrompu.
Commentaires
Excellente pièce très bien monté et intelligente .
Bon enseignement sur le travail du peintre sans oublier de mettre de l'humour.µ
Niels Arestrup est un génial monstre de théatre, mais il ne faut pas oublier le jeune Alexis Moncorgé .
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