Roméo et Juliette
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Thème
Je ne vous ferai pas l'injure de vous résumer l'histoire de Roméo et de Juliette...
Points forts
1 L'univers shakespearien
- cela fait toujours quelque chose de se retrouver face à l'une des dix pièces qui ont le plus marqué le patrimoine théâtral de l'humanité...D'autant qu'elle constitue l'une des expressions les plus fortes de l'univers shakespearien, véritable spéléologie de l'âme humaine et des rapports sociaux. Il est question de tout dans cette pièce, de la manière la plus directe et la plus forte : la passion, l'amour, la famille, le machisme, la violence, la religion etc...
Shakespeare est probablement le plus moderne des grands classiques parce que ses personnages sont les plus complexes, les plus humains, les plus vrais.
- dans "ROMEO ET JULIETTE", il y a bien sûr l'histoire d'amour. Mais si cette histoire a aujourd'hui encore une telle résonance c'est non seulement parce que Roméo et Juliette sont prêts à donner leur vie pour cet amour absolu -Juliette :"mon amour, je te l'ai donné avant que tu me le demandes"-, mais aussi parce que Juliette est tout sauf une petite mijaurée frappée par la grâce d'un amour éternel. Ce n'est pas une oie blanche; à quatorze ans, c'est déjà une femme à qui l'univers du désir et de la sexualité n'est pas étranger.
- on compatit viscéralement avec elle, victime d'une société très structurée, qui est aux antipodes de la très à la mode théorie du genre. Une société régie par des codes stricts, mais qui ne suffisent pas à éradiquer la violence humaine, y compris à l'intérieur des familles; tout au plus, à la canaliser.
2 La construction des pièces shakespeariennes
- cette absolue maîtrise dans la conduite de l'intrigue, quel que soit le type de scénario proposé. Avec ici, cette particularité, de faire de nous des voyeurs. Dès le début, nous savons que çà finira mal-"un couple d'amants naquit sous une mauvaise étoile". Il nous reste à décrypter le cheminement de l'histoire et le déchaînement des passions.
3 le style shakespearien
- cette capacité à associer les images les plus crues et un sens incomparable de la formule et et de l'image.
Le langage de Shakespeare n'est pas un langage de salon :" sa cuisse frémissante et tous les domaines qui lui sont adjacents"...
Et ce sens extraordinaire de la formule, à tous propos :
-"seul, je suis déjà un de trop".
-"l'amour est une fumée de soupirs".
-"nous consumons l'avenir de nos jours"...
4 La mise en scène de Nicolas Briançon
- Nicolas Briançon est, sans doute, l'homme qui, ces dix dernières années, a le mieux réussi à rendre Shakespeare accessible au grand public et en particulier aux jeunes.
Briançon, c'est le théâtre de la simplicité, du dépouillement des sentiments, de l'humanité.
Avec lui, le théâtre, c'est la vie. La nôtre, et celles des autres, dans laquelle il nous invite à nous retrouver. Sans jamais vouloir prouver ou imposer quoi que ce soit. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles çà marche aussi bien avec les jeunes. Parce qu'il les laisse libres de leur jugement.
- autre chose, Briançon sait très bien rendre le côté théâtre total qui caractérise si souvent l'oeuvre de Shakespeare, y compris le côté théâtre de foire : ici, l'apothicaire très fellinien, déguisé en clown.
- et puis, cette capacité à, tout à coup, nous élever au-dessus de nous-mêmes. Témoin, la scène finale, d'une majesté et d'une délicatesse extraordinaires.
- un mot sur le décor qu'il a choisi. Son Vérone, ce n'est pas l'exotisme d'une Italie de mandolines. Non, ce pourrait être une ville de partout, aujourd'hui, à l'intérieur de hauts murs mobiles, symbole de tous les enfermements, dont celui des enfants dans les schémas des parents.
5 L'interprétation
- dans le rôle de Roméo, Niels Schneider allie beauté et présence.
- mais la grande révélation de cette pièce, c'est Ana Giradot, dans le rôle de Juliette. C'est un peu une Carla Bruni, en beaucoup plus animée. Pour se débuts au théâtre, elle est époustouflante. Elle est simple, très naturelle, charmante. Elle est à la fois drôle et fine, directe et aérienne. Elle a toutes les promesses d'une grande carrière.
- un mot, par ailleurs, sur l'interprétation de Bernard Malaka, qui confirme là qu'il est un grand acteur, malheureusement trop peu utilisé à son niveau. Il est étonnant d'intensité dans le personnage de l'ecclésiastique, Frère Laurent, plein de sagesse et hyper-réaliste : "la vertu mal employée devient un vice"...
Quelques réserves
1 Sans doute la pièce pourrait-elle être raccourcie d'une bonne 1/2 heure dans sa première partie.
2 Est-ce le décor, est-ce la salle, mais, en l'occurrence, l'acoustique n'est pas bonne. Et il arrive que des bribes de phrases se perdent dans les cintres.
3 Niels Schneider est excellent dans son rôle, mais il semble avoir par moments un problème d'élocution.
Encore un mot...
Je suis sorti du théâtre avec un constat et deux questions.
1 Le constat : je me suis dit, au fond ce n'est sans doute pas un hasard si la plupart des régimes totalitaires se méfient de l'amour.
2 Deux questions :
- l'amour, librement éprouvé et vécu, a-t-il vraiment plus de place dans notre société que dans la société shakespearienne ?
- dans la jeune génération, y a-t-il beaucoup de garçons et de filles prêts à mourir par amour ?
Qu'en pensez-vous?
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