Rien de moi
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Thème
La pièce est un dialogue passionnel et décalé entre une femme et un homme un peu plus jeune qu’elle. La rencontre de hasard est récente. Ils semblent s’accrocher l’un à l’autre comme deux noyés de la vie quotidienne. Nous suivons les saisons de leur amour ou plutôt de leur tentative forcenée pour vivre cet amour. Ils se croyaient maîtres d’une bulle blanche à deux, dans un appartement vide, hors de tout contexte social et familial, mais les êtres du passé les rattraperont.
Elle a quitté subitement un mari à qui elle n’avait rien à reprocher et laissé son fils. Un autre drame personnel et familial, plus terrible encore, la ronge de culpabilité et de chagrin .
L’homme juvénile et charmant , l’amant ( mais le mot ferait trivial et boulevardier dans cette pièce à la belle épure de sentiments et de comportements), l’homme semble déjà en fuite avant d’avoir aimé. La femme le sait mais elle plonge dans l'irrésistible gouffre de la passion invivable. Il pourrait la détruire. Elle dit qu’elle le sait. Mais cette «destructivité» les attire tous les deux.
Points forts
L’auteur, Arne Lygre, né en Norvège en 1968, a déjà été joué en France par Claude Régy et par Stéphane Braunschweig. Ses thèmes, son ton nous évoquent le dramaturge Jon Fosse mais en plus tonique. Son minimalisme est ancré dans le réel même s’il semble abstrait. Aucune autosatisfaction ni complaisance. Tout est à vif en étant à distance : le grand art.
Le texte est un édifice émotionnel à plusieurs niveaux. Le couple se regarde «avoir lieu». Pour se persuader qu’il a une réalité, il a besoin de se commenter. Ils disent régulièrement: "ai-je dit " , "ai-je pensé" … mais aucune redondance, ni ennui. Le ton est musical, prenant. Nous sommes à l’intérieur de l’écriture de l’auteur, comme rarement.
La mise en scène fluide, pleine d’énergie, de beauté et de vérité, de force et de respect, nous transporte loin des images à la mode vues ici et là sur certaines scènes théâtrales usées.
Nous avons peur pour ce couple dans le décor épuré fait d’une pièce blanche au sol gris. Il y aura un matelas par terre, puis une table, puis un canapé bleu devant une grande photo portuaire qui pourrait représenter les docks du Havre. Le couple joue à entrer dans ses meubles mais il n’y croit pas. Il se noie peu à peu sous nos yeux.
La scénographie finale est impressionnante.
Quelques réserves
Je n’en vois pas car ce spectacle nous fait passer 1h30 parfaite. L’on ressort ému et gratifié par la qualité extrême dissimulée derrière une apparente simplicité.
Encore un mot...
Comment ne pas s’identifier à cette histoire de rencontre et de couple impossible ... impossible peut-être comme le sont tous les couples . Je veux parler du couple imaginaire, fusionnel, indestructible et déconnecté des vicissitudes de la vie quotidienne.
« Rien de moi » mais "tout des acteurs", formidables: Luce Mouchel, Chloé Réjon, Manuel Vallade et Jean-Philippe Vidal. On a l’impression qu’ils nous exposent. Et ils nous apprennent l’écriture, le texte.
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