Réparer les vivants

Comme une ambulance dans la nuit
De
Maylis de Kerangal
Mise en scène
Sylvain Maurice
Avec
Vincent Dissez et Joachim Latarjet
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

- 19 et 20 janvier : Théâtre Firmin-Gémier-La Piscine-Chatenay-Malabry - 26 et 27 janvier : Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines - Du 4 au 19 février : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines - Du 12 au 17 avril : Théâtre Paris-Villette

Thème

Suite à un accident de voiture, un jeune surfeur du Havre est déclaré en état de mort cérébrale. Ses parents acceptent que soient prélevés certains de ses organes. Son cœur est alors rapidement acheminé à Paris, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il est transplanté dans la poitrine d’une jeune femme atteinte de myocardite.

Points forts

1) L’histoire racontée est passionnante. Le don d’organe étant un geste anonyme, lorsqu’on sait d’où vient un organe, on ignore toujours où il va, et vice-versa. Ici, on suit les deux versants de l’aventure et l’on accompagne ce cœur qui bat, du donneur au receveur, en moins de 24 heures. Maylis de Kerangal s’est bien documentée sur le sujet; la précision médicale et scientifique de son récit l’apparente à un reportage trépidant, palpitant.

2) Le ton de la narration est totalement dépourvu d’affect : pas de sentiment, pas d’émotion. C’est l’urgence, la technicité et l’efficacité médicale qui priment. Le style est donc tour à tour administratif, journalistique, scientifique, descriptif, rapide, sec, parfois brutal, toujours captivant.

3) La scénographie est signée Eric Soyer : au centre de la scène, face au public, un tapis roulant dont la vitesse varie; parfois même, il s’arrête. Tout en disant son texte, le comédien peut donc marcher, courir, imiter les positions d’un surfeur… Faire dire en mouvement ce texte sur l’urgence est particulièrement judicieux. Au dessus, sur un pont noir qui enjambe le tapis roulant, le musicien Joachim Latarjet joue en live et mixe l’ambiance sonore. Le spectacle lui doit beaucoup.

4) Pour dérouler ce récit d’une traite, il faut du souffle et de l’endurance. Le comédien Vincent Nissez n’en manque pas. Il est tantôt le narrateur, tantôt les personnages, mais ne les interprète pas. Il profère son texte comme la voix-off d’un reportage, avec vitalité.

Quelques réserves

1) Parfois Vincent Dissez n’est éclairé que par des projecteurs appelés « douches », qui le surplombent à la verticale. L’effet recherché est glaçant et saisissant, mais on ne voit plus ses yeux. Face à un monologue, le public ne peut se raccrocher qu’à la voix et au regard de son interprète. Supprimez-en un, supprimez en deux, et le spectacle disparaît complètement.

2) Certes ce texte est excellent, mais il n’a pas été écrit pour le théâtre. A s’emparer trop souvent de romans, de nouvelles… et à les confier à un acteur seul en scène, le théâtre s’éloigne de sa vocation-même, celle du dialogue, de la confrontation, de la joute verbale, de la troupe.

Encore un mot...

Réparer les vivants est un monologue instructif et haletant sur la transplantation cardiaque, qui file vite comme une ambulance dans la nuit. On l’écoute, comme on lit le livre dont il est tiré, le cœur battant.

Une phrase

« 1959 : l’arrêt du cœur n’est plus le signe de la mort, c’est désormais l’abolition des fonctions cérébrales qui l’atteste. En d’autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. »

L'auteur

Née en 1967, Maylis de Kerangal est une romancière française, originaire du Havre. Elle publie son premier livre Je marche sous un ciel de traîne en 2000. Suivront notamment La Vie voyageuse (2003), Corniche Kennedy (2008), Naissance d’un pont(2010)…

Son roman Réparer les vivants (2014) a reçu au total dix prix littéraires ! Il a été adapté une première fois au théâtre par Emmanuel Noblet, qui l’a joué en juillet 2015 en Avignon. La réalisatrice Katell Quillévéré vient d’en tirer un film avec Tahar Rahim et Emmanuelle Seigner. Son titre est emprunté à une réplique de Platonov de Tchekhov : « Il faut enterrer les morts et réparer les vivants. »

Commentaires

Karine Joyeux
lun 08/02/2016 - 15:50

Attention le comédien s'appelle Vincent Dissez et non Nissez.

culture-tops
mar 09/02/2016 - 01:31

Modification effectuée, merci Karine!

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