Racine ou la leçon de Phèdre
Infos & réservation
Thème
Anne Delbée choisit Phèdre pour éclairer Racine. Tout au long du spectacle, la comédienne met en écho la vie de l'auteur et son personnage mythique.
Nous redécouvrons les vers troublants de beauté de Phèdre tout en parcourant la vie de Racine, et c'est une véritable traversée humaine, toute de courage et de passion.
La comédienne nous livre ici son intention :
« Il ne s’agit pas ici de jouer Phèdre, je désire plus que tout faire entendre ce qui résonne en moi chez Racine : la liberté fondamentale de l’être humain à dire non, à faire des choix… et transmettre ce savoir racinien, rendre à Racine ce qui est à lui. Phèdre, c’est toute la vie de Racine qui se révèle : l’enfant, l’adolescent, l’amant, le mal aimé, l’ami privilégié du Roi Soleil et le solitaire. »
Points forts
1. La conception du spectacle : faite d'un subtil mélange entre les moments de récitation et les passages où Anne Delbée nous conte la vie de l'auteur. Nous naviguons ainsi entre le dedans et le dehors, entre le "in "et le "off", pourrait-on dire, les coulisses de l’œuvre nous permettant de mieux la comprendre et l'apprécier.
2. L'interprétation : Anne Delbée, c'est tout d'abord une voix et une présence qui donnent âme et corps aux vers de Racine. Elle les porte en elle et les fait vibrer jusqu'à nous, nous en faisant savourer la beauté, les couleurs, les nuances. La comédienne est tout entière à la fois dans le plaisir d'interpréter comme dans celui de transmettre : qui était Racine, quelle fut sa vie mais aussi comment dire ses vers (très utile par ailleurs pour les apprentis comédiens!). Et ce n'est jamais ennuyeux car elle est habitée par son sujet, qu'elle connaît par cœur et sait nous faire partager.
3. Les costumes : vêtue d'un costume cabaret à la fois chic et sobre - chemise blanche à bretelles, pantalon et veste noirs, chaussures vernies - Anne Delbée est caméléon. Elle se glisse dans la peau de Phèdre ou dans celle d'Hippolyte, jouant la partition des différents personnages avec une même aisance et une même vérité. Ce costume est très bien choisi car il permet justement à la comédienne d'être à la fois au dehors et au dedans, à la fois conteuse et interprète, et d'être libre aussi de jouer dans différents registres.
4. Les partis pris de mise en scène : que ce soit quand elle "pitche" avec humour Phèdre, ou quand elle célèbre le côté Rock de Racine en prenant le micro et en chantant façon cabaret, ou encore quand elle compare les pas d'une danseuse à ceux des alexandrins, restitués parfois de manière hasardeuse par certains comédiens, Anne Delbée ose et s'amuse. Elle s'approprie son sujet et crée ainsi un spectacle personnel et bien vivant !
Quelques réserves
1. La vidéo : sur des portants métalliques en fond de scène, des vidéos ponctuent régulièrement le spectacle. Je trouve que, malheureusement et à quelques rares exceptions près, elles nous sortent de l'esprit de communion et d'intimité que la comédienne crée formidablement avec son public. Par ailleurs ces vidéos sont, dans leur réalisation, assez convenues et ne font qu'appuyer ou illustrer inutilement le propos.
2. Sons et lumières : un petit bémol sur les musiques et les lumières. Pour moi, c'est le même problème, il y en a trop et on s'y perd un peu...Nul besoin, me semble-t-il, d'autant de changements et de variations pour accompagner les différents chapitres d'une vie aussi riche en émotions. Saluons tout de même un beau clair-obscur ensorceleur comme les vers de Racine.
Encore un mot...
Comme cela est bon d'entendre des vers magnifiques dans la bouche d'une grande tragédienne. Anne Delbée nous transmet avec une fougue communicative sa passion et son admiration pour Racine. Si vous voulez passer une belle soirée poésie, courez-y !
L'auteur
Anne Delbée revient sur scène avec un spectacle dont elle signe à la fois la conception, la mise en scène et l'interprétation. Grande femme de théâtre au parcours impressionnant - elle travaille notamment aux côtés d'Antoine Vitez ou de Maurice Béjart et signe plus d'une soixantaine de mises en scène - elle est aussi la première femme à être nommée à la tête d’un Centre Dramatique National. Elle axe progressivement son travail sur la tragédie en général et sur Racine en particulier, comme en témoigne le documentaire Racine, le déchaînement des passions, qui obtient en 2012 les Prix du Jury Lycéen et Prix du public au Festival de Cholet. Aujourd'hui encore, elle nous donne une preuve supplémentaire de son amour pour le grand poète tragique...
Ajouter un commentaire