Quelque part dans cette vie
1- Kathleen Hogan : « Tous ces gens que j’aimais et qui sont partis, M. Brackish.
Jacob Brackish : Eh oui, c’est la vie…
K.H. : …et maintenant, ils ne sont plus que poussière.
J.B. : Eh oui, c’est la mort…
K.H. : C’est terrible. J’y pense chaque fois que je passe l’aspirateur »
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2- Jacob Brackish : « Il faudra penser à acheter de piles neuves pour mon appareil… C’est qu’avec vous, j’en fais une consommation…
Kathleen Hogan : J’parle pas tellement…
J.B. : Justement je reste aux aguets au cas où vous parleriez ».
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Thème
Dans sa maison de Gloucester, petite ville portuaire du Massachussets, Jacob Brackish vieillit en solo. On apprend que, pendant de nombreuses années, il a été professeur au collège de la ville. Disciplines enseignées : littérature anglaise et histoire de la musique ; réputation : terreur. On nous dit aussi qu’il va bientôt s’en aller à jamais: son médecin lui a annoncé qu’il pouvait « vivre encore six mois, jusqu’à un an ». Qu’il se fatigue vite, qu’il marche lourdement, qu’il entend mal, ce qui ne l’empêche pas d’écouter la radio, surtout la voix de Chuck Thomas, le présentateur des émissions musicales.
C’est l’hiver, le froid, la neige, et Brackish se résout à rédiger une petite annonce pour engager une jeune femme autant comme gouvernante que dame de compagnie. Elle s’appelle Kathleen Hogan, elle a perdu son mari, elle est aussi maladroite que sensible, et surtout perspicace puisqu’elle met à jour et pointe les faiblesses que Brackish s’efforce de cacher.
Dans cette maison, c’est le temps des faux-semblants et des non-dits; les jours défilent, il y a du règlement de comptes dans l’air. Des silences, aussi. Et même des aveux qui permettront de savoir quel est donc ce grand secret que le vieux professeur a enfoui au plus profond de lui-même…
Points forts
- La construction dramatique d’une pièce écrite par Israël Horovitz dans les années 1980, et très librement adaptée par Jean-Loup Dabadie, de l’Académie française. Une pièce à tiroirs. Lequel ouvrir ?
- Présentée en France la première fois en 1990 avec le duo Pierre Dux- Jane Birkin, « Quelque part dans cette vie » propose cette fois une autre belle confrontation, avec un Pierre Arditi qui se régale à jouer le bougon et une Emmanuelle Devos aussi brillante en ingénue qu’en diabolique manipulatrice.
- En creux, l’air de rien, une étude de la lutte des classes avec le vieux professeur qui ne manque jamais une occasion de rappeler sa condition sociale à la jeune femme.
- Un décor réaliste et imposant, signé Nicolas Sire, dans lequel le moindre détail est mis en valeur.
Quelques réserves
Une mise en scène « classique » signée Bernard Murat, plombée par d’affreux longs trous noirs entre les différentes scènes. Le rythme et le tempo de la pièce s’en trouvent ralentis. Et au final, flotte comme une sensation de longueur qui aurait pu être évitée…
Encore un mot...
Un texte écrit au cordeau et profondément humain, servi par deux grands comédiens, Pierre Arditi et Emmanuelle Devos. Ne boudons pas notre plaisir, même si (cf plus haut) !
L'auteur
Né le 31 mars 1939 à Wakefield, dans le Massachussetts, Israël Horovitz, dramaturge, acteur et réalisateur, est le dramaturge américain vivant le plus joué en France. Pour « Quelque part dans cette vie » comme pour la cinquantaine de ses autres pièces, il confie avoir été grandement influencé par les théâtres français de l’absurde (Samuel Beckett et Eugène Ionesco, entre autres) et américain des années 1960 (avec Arthur Miller ou encore Edward Albee).
Commentaires
Emmanuelle Devos et Pierre Arditi sont parfaits, convaincants, crédibles : ils incarnent à merveille ces deux êtres à priori si différents mais, néanmoins, faits pour se rencontrer. Pourquoi, alors, 4 étoiles et non 5 ?...Parce que ces deux superbes acteurs auraient mérité d'être mieux servis par le texte.
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