Prière aux Vivants

Toute la lumière que nous pourrions voir
De
Charlotte Delbo (adaptation par Marie Torreton)
Durée : 1h10
Mise en scène
Vincent Garanger
Avec
Marie Torreton
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre la Scala
13, boulevard de Strasbourg
75010
Paris
01 40 03 44 30
Du 1er avril au 24 juin 2025 Les mardis uniquement à 19h15

Thème

  • La première épreuve physique,  existentielle, dès l’ arrivée au camp, c’ est l’appel. Il faut rester debout, immobile dans la neige, avec  le vent qui vous cingle, muscles contractés, estomacs vides mais durs comme la pierre, ne pas bouger surtout, ne pas lever la main, ne pas répondre à la voix calme du médecin des SS qui interroge le groupe : « qui d’ entre vous ne supporte pas l’appel ? Qui ne peut  rester debout ? » Déjà une vieille femme, un peu ratatinée lève le doigt, « chut, il ne faut rien dire ! » souffle sa voisine, mais trop tard, elle est poussée avec ceux qui partent en direction du crématoire...

  • Les jours suivants sont une lente descente aux enfers. L’attente et la faim qui vous rongent, l’épuisement des corps, la dysenterie, les maladies. Charlotte Delbo voit mourir ses amies ouvrières : Lulu, Madeleine, tant de sœurs de captivité fauchées à Auschwitz. 

  • Parfois la nuit est trouée  par des moments de grâce. Ainsi ce petit livre, dans la collection des classiques - Le Misanthrope - trouvé par hasard, une sorte de  talisman troqué contre un quignon de pain. Ou encore le besoin irrépressible aussi de se souvenir, de réciter des vers, de créer, une pièce de théâtre par exemple, avec des moyens de fortune, pour  vivre,  faire la nique à la mort. 

  • Déportée en janvier 1943 à Auschwitz- Birkenau dans le convoi dit « des 31 000 », qui comportait 230 femmes, la poétesse et résistante Charlotte Delbo sera l’une des 43 rescapées, elle qui fut libérée à Ravensbrück en 1945.

Points forts

  • D’une voix sereine, sensible, Marie Torreton porte avec une infinie pudeur ce texte poignant et magnifique. Elle est à l’ intérieur des mots ( des maux ?) mais garde la  distance, comme pour mettre un peu de baume sur les plaies de Charlotte Delbo, apaiser la douleur. 

  • Pas de pathos dans cette mise en scène, quelques virgules musicales, et Marie Torreton qui s’efface pour nous faire entendre la voix de Charlotte Delbo. 

  • A la fin de la représentation, elle nous confie : « j’ai reçu ce texte pour  l’ anniversaire de mes 14 ans. Un cadeau de mon père,  Philippe Torreton. »

Quelques réserves

  • Aucune. Ne vous laissez pas rebuter  par le thème ou la petite musique sur l’air du “tiens, encore un spectacle sur la déportation”. 

  • Certes, il est question de mémoire, du sentiment de culpabilité et du décalage entre les survivants et les autres, mais cette Prière aux vivants est surtout un hymne à l’amitié, à la solidarité et à l’espérance. 

Encore un mot...

  • J’ai découvert récemment l’œuvre de Charlotte Delbo à travers un poème intitulé Prière aux vivants pour leur pardonner d’ être vivants. La poétesse y évoque les « Revenants », et implore les « Vivants » de faire quelque chose de leur vie : « Vous qui passez bien habillés aux terrasses,  je vous en supplie, faites quelque chose qui vous justifie, vous donne le droit d’être habillés de votre peau, de vos poils. Apprenez à marcher et à rire, parce que ce serait trop bête enfin, que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie. » 

Une phrase

  • « Au début, nous voulions chanter. Vous ne pouvez croire comme elles étaient déchirantes ces voix qui se brisaient, voilées par les marais et la faiblesse, répétant des mots qui ne faisaient plus lever aucune image. »

L'auteur

  • Charlotte Delbo est une écrivaine française née le 10   août à Vigneux-sur-Seine et morte le 1er  mars 1985 à Paris. Membre des Jeunesses communistes, issue d’ une famille d’immigrés italiens, elle s'engage en 1941 dans la Résistance avec son mari Georges Dudach. Ce dernier sera arrêté avec elle et fusillé au Mont Valérien en 1942. 

  • Avant la guerre,  Charlotte Delbo a  été l’ assistante du metteur en scène Louis Jouvet. A son retour de déportation, elle écrira six livres consacrés à l’expérience concentrationnaire.

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