Pourquoi les poules préfèrent être élevées en batterie
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Thème
En partant d’une contrevérité évidente et en elle-même déjà assez drôle, Jérôme Rouger déroule la 1ère leçon de l’Ecole Nationale d’Agriculture Ambulante (ENAA), donnée par un professeur plus vrai que nature, et qui ambitionne de proposer aux parisiens un véritable programme de réappropriation de l’agriculture.
Les spectateurs, transformés en étudiants, participent à cette interrogation fondamentale qui consiste à savoir qui de la poule ou de l’œuf fut le premier, suivant un inénarrable plan en trois parties, regardant des diapositives absentes (« Tout le monde ne voit rien ? ») et s’exerçant à caqueter comme « une jeune poule heureuse » ou « une vieille poule un peu fatiguée mais pleine de sagesse ».
Ils sont parfois gentiment rabroués, souvent invités à participer à « la frénésie collective », emmenés sur scène ; se crée alors une très confortable interactivité.
Points forts
Du prof en exercice et en majesté, l’orateur a tous les traits, vices et vertus mêlés : pédagogue soucieux de se faire entendre et comprendre, pratiquant la « transversalité des savoirs », mais pour cela même démagogue et cabotin, contradictoire et péremptoire, juxtaposant informations vraies et données parfaitement fantaisistes.
Des informations qu’on n’oubliera pas :
- qu’une poule en batterie dispose de 750 cm2 ;
- que la Suisse a interdit l’élevage de spoules en batterie depuis 1991 et l’Allemagne depuis 2010 ;
- et que Bill Gates a une maison de 1750 m2…
De l’homme de théâtre, Rouger a l’inventivité et le génie du double sens, du clown la gaucherie feinte, la naïveté et l’extravagance, des deux le goût et le talent d’occuper merveilleusement l’espace.
Quelques réserves
Le « rap » n’en est pas un et c’est un peu dommage. Quitte à aller chercher cette forme singulière, autant être réellement performant et slamer pour de bon, ça serait bien plus drôle.
Encore un mot...
En navigant ainsi entre absurde et métaphysique, entre l’ironie pure et la démonstration vraie, cette « conférence spectaculaire » se décale légèrement des conférences gesticulées.
Mais comme elles, le spectacle associe drôlerie et théâtre engagé qui épingle le monde comme il va : l’exploitation des animaux bien sûr, mais aussi l’obsession de l’immigration (« nous ne pouvons pas accueillir les poules du monde entier »), le grégarisme humain, l’incoercible besoin de sécurité qui poussent les hommes à adopter des conduites absurdes.
Ce que faisant, Rouger rappelle quelques évidences : que la connaissance vraie est un affect, que les humains sont des machines émotionnelles qui parfois pensent et que « l’instant P », celui de l’origine, n’existe pas.
Une phrase
Questions :
- « Comment élever un veau quand on a mangé sa mère ? »
- « Pourquoi la chèvre est-il l’animal le plus prisé des agriculteurs en manque de tendresse ? »« Aucune poule n’a inventé Windows… Mais quel rapport ? Est-ce que Bill Gates a déjà pondu un œuf ? »
- « En tant que Parisiens, vous avez peut-être un complexe vis-à-vis de l’agriculture. D’ailleurs c’est bien le seul complexe que vous ayez. »
L'auteur
Auteur, metteur en scène et comédien Jérôme Rouger est le fondateur de la compagnie La Martingale, établie à Poitiers, et avec laquelle il donne des spectacles depuis 1998.
Il a été codirecteur d’un festival de théâtre à Partenay, a créé Dis Donc, un rallye de lecture théâtrale, mais aussi La Nuit des chanteurs seuls et, en 2019, la Symphonie pour klaxons et essuie-glaces, concert pour un orchestre de neuf voitures et neuf klaxonneurs. En octobre 2013, il a reçu le prix Philippe Avron à la Maison des Auteurs de la SACD.
Présenté à Paris au Théâtre du Rond-Point en 2015, Pourquoi les Poules a remporté un véritable succès un peu partout en France.
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