Pompier(s)
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Thème
Un jeune homme, pompier de son état, est accusé d’avoir violé avec plusieurs camarades une fille, déficiente mentale. Nous sommes dans une arrière-salle tribunal où l’homme et la femme se retrouvent avant le procès. Avant de répondre de son crime, il tente de se justifier. En face de lui, la femme, à l’expression fragile, tente de lui expliquer pourquoi il doit en répondre au monde, à la société comme à elle.
Points forts
La grande scène quasiment vide n’est jamais trop grande pour les deux comédiens, dont le jeu, ample et puissant, envahit l’espace et le réduit à cette petite pièce où ils se retrouvent de manière fortuite (puisqu’ils n’ont théoriquement pas le droit de se parler).
Lui, tendu à l’extrême par la peur de la prison – qui entraînerait la perte de son travail et sans doute la déchéance – et elle, frêle mais arc-boutée sur son droit à ne pas être transformée en simple objet sexuel.
Les deux acteurs livrent une interprétation magnifique et font des personnages les archétypes du “violeur“ et de la “victime“.
Le texte de Jean-Benoît Patricot illustre magnifiquement cet affrontement à huis clos. Les arguments se heurtent, s’essoufflent et vacillent comme le point de vue des spectateurs. Sous quel angle considérer ce drame ? Celui de la loi, de la morale, de la psychologie, de la linguistique ? Il est difficile de trouver la pierre angulaire du raisonnement. Mais l’auteur restitue le handicap de la victime avec les mots justes de l’empathie.
Le viol est un crime. Là où le violeur ne voit qu’un « acte d’amour entre deux personnes libres et consentantes » (puisqu’elle n’a jamais dit « non »), elle évoque un acte impardonnable, pour lequel il doit payer pour être absout. Sans manichéisme, grâce à une mise en scène dépourvue de tout artifice, une œuvre de fiction parvient une fois de plus à restituer la complexité de ce « fait divers » beaucoup plus justement que n’importe quel article ou plaidoirie.
Quelques réserves
Aucun, seule l‘heure (18h30) demeure un handicap, mas la programmation du théâtre du Rond-Point est tellement riche.
Encore un mot...
En 2001, Libération publie un article sur le viol collectif d’un groupe de pompiers sur une jeune femme handicapée. Jean-Benoît Patricot s’est inspiré de ce fait divers pour en tirer un récit à deux voix où les discours s’opposent, soulevant la question des responsabilités individuelles et collectives.
Une phrase
L’homme : « Pourquoi tu t’es mise à parler à tous ces gens ? Sans limite. Comme on dégueule. Avant, tu ne l’ouvrais pas, et c’est parce que tu ne disais rien que tout est arrivé. Si, une seule fois, tu avais dit non, on n’en serait pas là. »
La femme : « ils disent que je suis limitée. Ils disent : “c’est une fille limitée“. Ils se croient infinis alors ? Est-ce que dans leur tête à eux il y a de grandes prairies et moi, moi je suis comme une chèvre attachée à un piquet, une chèvre qui ne va pas plus loin que son bout de ficelle et eux ils croient qu’ils courent, qu’ils galopent jusqu’à tout là-bas ? »
L'auteur
Jean-Benoît Patricot est docteur en pharmacie, romancier, auteur de scénarios et de fictions radiophoniques.
Encore lycéen, il avait envoyé un scénario à François Truffaut qui lui avait répondu « gardez-le, conservez-le, il le mérite ».
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