Perdre le Nord
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Thème
• C’est une vieille femme décharnée et couverte d’oripeaux que Marie Payen fait monologuer. À bout de souffle et d’énergie, elle s’adresse à tous ces candidats à l’exil qui rêvent et tentent de la rejoindre depuis divers points du monde.
• Le propos, apparemment décousu, qu’elle tient fait une large part faite à l’improvisation, à partir d’une trame formée par des propos recueillis auprès de migrants échoués dans les métropoles d’Europe occidentale, et plus particulièrement de Paris.
Points forts
• Marie Payen accomplit une danse hallucinée dans une improvisation maîtrisée qui peut séduire voire envoûter un public tout acquis à une cause aussi spectaculaire et contemporaine que portée par l’urgence des migrations forcées vers l’Europe. L’auteure-comédienne entend ici « perdre le Nord » pour mieux « écouter le Sud ».
• L’auteure-comédienne se lance chaque soir un défi d’improvisation, dans un spectacle qui reste théâtral : sa longue robe de plastique donne lieu à des effets assez saisissants et parfaitement maîtrisés. Le spectacle se joue sur le fil : Marie Payen, qui en a parfaitement conscience, assume ce pari et nous en prévient. C’est de fait pour le meilleur et pour le pire.
Quelques réserves
• La prestation de Marie Payen est longtemps statique, la prose souvent ampoulée - car improvisée - et le propos au fond assez « politiquement correct » : mais que fait donc la vieille Europe - cette sorcière égoïste et acariâtre - pour les migrants qui, tous statuts confondus, fuient et frappent à sa porte ? On attend peut-être autre chose de la poésie et du théâtre que des stéréotypes (“la-vieille-Europe-sans-cœur“) pour toute réponse à d’autres stéréotypes (la-menace-du-migrant sur fond de « grand remplacement »).
• Quand bien même on serait habitué à entendre de grandes déclamations assez culpabilisatrices sur des scènes nationales, où la liberté d’expression n’a d’égale que l’accumulation des aides et statuts adéquats leur permettant de parvenir jusqu’aux spectateurs, on ne peut s’empêcher de rapprocher le spectacle d’un certain théâtre des années 1970, produit par ceux qui venaient avec « une sébile dans une main et un cocktail Molotov dans l’autre » (Maurice Druon)...
• Du point de vue des effets théâtraux, on peut trouver totalement dispensable et minimal l’accompagnement musical de Jean-Damien Ratel : les vagues d’orgue électronique sont parfois une facilité qu’il conviendrait d’interroger avant de napper à tout propos les déclamations qu’elles desservent, faute de les enrichir.
Encore un mot...
Ce spectacle soulève la question de l’irénisme au théâtre : on voit bien quelles “belles âmes“ se rallieront par automatisme à « Perdre le Nord » - mais rien ne dit que cela aboutisse à un spectacle efficace, qui interroge au-delà d’une émotion assez basique. Or cette dernière est plutôt négative, car elle tient plus à une indignation contre l’Europe qu’elle ne transmet la sincère empathie de l’auteure envers des réfugiés en situation désespérée.
Une phrase
« Life is very complicated... »
L'auteur
• Marie Payen est comédienne au théâtre sur un répertoire étendu, de la comédie (Feydeau, Tailleur pour dames, 2016) aux classiques (Sénèque, Shakespeare, Tchekhov) ; elle est également actrice pour le cinéma (Une exécution sommaire, Marc Dugain, 2010) et la télévision (sous la direction de Fabrice Cazeneuve).
• Elle s’est également lancée dans l’écriture théâtrale, avec en 2014 jEbRûLE et plus récemment Perdre le Nord, écrit à partir de paroles et de récits recueillis dans leur langue maternelle auprès de migrants rencontrés en leurs lieux d’errance.
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