Pauvre Bitos

Un éclair de lumière dans l’âme la plus noire
De
Jean Anouilh
Mise en scène
Thierry Harcourt
Avec
Maxime D’Aboville, Adel Djemai, Francis Lombrail, Adrien Melin, Etienne Ménard, Adina Cartianu, Clara Huet Sybille Montagne
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre Hébertot
78 bis Boulevard des Batignolles
75017
Paris
01 43 87 23 23
Du 9 février au 5 mai inclus. Du mercredi au samedi 19h. Matinée le dimanche 17 h 30.

Thème

  • L’époque était sombre, sanglante,  vulgaire : femmes tondues traînées dans les rues, collabos exécutés sur un trottoir après un dernier crachat, tractions avant noires rugissantes criblées de mitraille. Une page dans notre Histoire: l’épuration en 1945, comme un écho lointain à d’autres événements tragiques, telle la Terreur de 1793… 

  • Porté par un mauvais rêve, Bitos est brinquebalé entre ces deux périodes. Enfant de pauvres devenu substitut du procureur dans une petite ville de province, il  applique la loi avec rigueur : exécution des traîtres à la Patrie… Sans état d’ âme, Bitos agit au nom du Bien. Le  bras de la Justice doit être impitoyable…

  • Un soir, il est invité chez des notables pour participer à un dîner de tête où chacun jouera l’un de ces “Hommes de la Liberté “ chers à Claude  Manceron : les Mirabeau, Camille Desmoulins, Danton, Saint – Just... 

  • Bitos campe Robespierre, mais soudain, l’espace-temps se contracte, les deux comètes, celle de 1945  et celle de 1793 entrent en collision et Bitos se désintègre…

Points forts

  • Un décor sobre - une longue table avec des couverts - des acteurs à la diction irréprochable au service d’ un texte exigeant. Derrière chacun de ses personnages, Anouilh débusque les faux- semblants, l’orgueil, l’ hypocrisie, la saleté humaine. Mais il les regarde avec humanité et tendresse.

  • Dans ce rôle de Bitos, déchiré entre son désir de pureté et sa soif d’ être aimé, Maxime d’Aboville est époustouflant. Tournez manège, alors il tourne, il tourne comme une toupie, de plus en plus vite Bitos, pauvre enfant « échappé des “bras rouges de sa mère », simple fétu de paille, piétiné par le monde des Grands, cloué soudain par la flèche d’ un convive qui le crucifie d’un « tu n’ auras jamais la grâce. » 

  • Dans le rôle de Vulturne ( Mirabeau) - le double de Jean Anouilh - Francis Lombrail est impérial : un zeste de bienveillance pour Bitos et puis, le fouet du mépris qui claque. 

Quelques réserves

  • Aucune, mais dans une époque un peu manichéenne, la fin - que je ne divulgâcherai pas - peut dérouter certains spectateurs. 

  • Comme Pascal ou La Bruyère, Anouilh est un grand moraliste qui ne juge pas. Bitos est en même temps abominable et pitoyable : « Humain, trop humain » en somme…

Encore un mot...

  • Créé le 10 octobre 1956, Pauvre Bitos ou le dîner de tête a été interprété à l’origine par Michel Bouquet. A propos de son personnage,  Bouquet évoquait « un rôle péjoratif. » La pièce à l’époque avait fait scandale, Anouilh ayant été accusé de défendre la mémoire de Pétain et de jeter l' opprobre sur la Résistance. 

  • Aujourd'hui nous sommes plutôt sensibles à l’humiliation subie par ce  “petit cafard boursier-premier de la classe“, harcelé par ses camarades à l'école.

  • Interrogé par Culture-Tops, Maxime d‘Aboville nous confie : 

    • « Bitos est un homme qui s’est fourvoyé, mais malgré son caractère sombre, Anouilh envisage avec tendresse ce personnage. »

    • « Cette haine qui l’habite, cette violence qu’il ne comprend pas, vient de ce père violent, qui le frappait sans cesse. Chez Bitos, la violence est toujours associée à des odeurs masculines. Quant à l’ acteur “ il est là pour consoler le personnage. “ » 

Une phrase

  • [Bitos se dresse] : « Oui, c’ est injuste! On est toujours injuste avec moi. Et ça me fait mal ! [Il crie soudain] Tout me fait mal ! Tout le monde me repousse toujours. Et, pourtant je suis bon! Je suis bon ! [Il crie comme un fou]. Je ne ferai pas de mal à une mouche ! »

  • « Ce n’est pourtant pas de ma faute si j’étais un petit garçon pauvre. » 

L'auteur

  • Jean Anouilh est un dramaturge et scénariste français né à Bordeaux en 1910 et mort à Lausanne en 1987. 

  • Bitos ou la valse des Toréadors font partie de ses « œuvres grinçantes ». Son répertoire, prolifique et varié, compte des chef-d’œuvre comme Antigone, une magistrale réécriture de la pièce de Sophocle. 

Commentaires

Pierre Four
mar 23/04/2024 - 13:26

Belle pièce qui fait le parallèle entre la révolution française, l’épuration de 1944/1945 et aussi notre époque ou l’intolérance est de plus en plus présente. Cette pièce nous enseigne de se méfier du camp du bien! Prenons en de la graine, c’est ça aussi le théâtre

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