Oh les beaux jours
Tant que la partie n’est pas finie…
De
Samuel Beckett
Mise en scène
Véronique Boulanger
Avec
Véronique Boulanger et Jérôme Keen
Notre recommandation
3/5
Infos & réservation
Théâtre de Nesle
8, rue de Nesle
75006
Paris
01 46 34 61 04
Le lundi à 20h30 et le dimanche à 16h, jusqu’au 18 décembre. Relâche le 5 novembre et le 10 décembre.
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Thème
- Une femme, Winnie, la cinquantaine, est enterrée jusqu’au-dessus de la taille au centre d’une petite butte, dans une étendue d’herbe brûlée.
- Elle continue à vivre tant bien que mal, soliloque et dialogue avec son mari Willie, que l’on verra peu et que l’on n’entendra pas davantage.
- Le temps passe, les jours s’égrainent, tandis que Winnie s’enfonce dans la terre.
Points forts
- La pièce de Samuel Beckett est hautement symbolique, métaphysique. L’auteur dénude le fil de nos vies pour n’en garder que l’essence, l’existence. Lorsqu’on lui demandait ce qu’il avait voulu dire en nous racontant l’histoire de Winnie, il répondait invariablement : « Je ne sais pas », laissant au spectateur le droit de se faire confiance et d’analyser, en toute liberté, l’effet de son texte, où rien n’est imposé.
- Engoncée dans cette terre qui l’absorbe progressivement, Winnie se donne à la vie, tout entière, tant que la vie lui est donnée. Certes les jours sont monotones, répétitifs, mais ils recèlent tous des instants de joie, de bonheur même, qu’il faut savoir discerner. Le titre de la pièce ne nous paraît pas être à prendre au second degré.
- Bien sûr la situation est désespérée - la mort plane sur ces deux personnages ; elle est notre seule issue à tous - mais le texte de Beckett n’est jamais désespérant tant il fait l’apologie du présent, de tous ces petits morceaux d’existence et de temps qui sont à savourer jusqu’au bout. Winnie dispose d’un revolver qu’elle pourrait utiliser pour en finir au plus vite, mais elle le laisse de côté. On pense à la phrase du peintre américain Keith Haring : « On vit tant qu’on est vivant ».
- Winnie et Willie forment un attelage particulier mais emblématique : elle ne cesse de parler (ici, les mots sont l’action), il marmonne ; elle le couve du regard, l’interpelle, le materne, il reste plongé dans son journal. Un couple cocasse et pourtant pareil à tant d’autres.
- La pièce se donne actuellement au Théâtre de Nesle, bâti dans une cave du quartier latin. L’arrondi de la voûte, les vieilles pierres de la muraille, tout dans cette salle accentue l’enlisement de Winnie.
Quelques réserves
- Il a dû manquer à Véronique Boulanger, comédienne singulière, un metteur en scène ou du moins un regard extérieur. Son jeu aurait mérité de la rondeur et plus de hauteur pour se dégager de l’anecdote.
Encore un mot...
- C’est en anglais que Samuel Beckett écrit Oh les beaux jours (Happy days) en 1961, puis il l’adapte lui-même en langue française.
- Dans cette version, la pièce est créée au cours de l'été 1963 à la Biennale de Venise, mise en scène par Roger Blin, avec Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault, avant d’être reprise au Théâtre de l’Odéon. Régulièrement montée, elle est aujourd’hui devenue un classique.
Une phrase
Winnie : « Oh le beau jour encore que ça aura été, encore un ! (Un temps.) Malgré tout. (Fin de l’expression heureuse.) Jusqu’ici. »
L'auteur
- Romancier, poète et dramaturge, l’Irlandais Samuel Beckett (1906-1989), d'expression française et anglaise, a reçu le prix Nobel de littérature en 1969.
- Ses pièces - En attendant Godot, Fin de partie, Oh les beaux jours, La Dernière Bande… - sont des chefs-d’œuvre du théâtre de l’absurde, toutes empreintes d’un certain pessimisme, mais dont l’humour n’est jamais absent.
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