
Oblomov
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Thème
Et si le monde - n’en déplaise aux braves gens- n’appartenait pas à ceux qui se lèvent tôt ? Si au contraire, il appartenait aux refuzniks, ces personnes qui refusent de participer aux activités obligatoires, de se lever en fanfare, de quitter leur lit douillet ?
Nul doute en tout cas dans l’esprit d’ Oblomov - ce jeune aristocrate oisif et velléitaire - que le salut individuel passe par l’art de la paresse. Et d’ailleurs, depuis son lit on peut tout faire : dormir longtemps, reporter à demain une missive à écrire, écarter d’une pichenette une tracasserie administrative quelconque, rêver de voyage ou jouer au chat et à la souris avec un vieux serviteur. Ce dernier, un certain Zakhar a l’habitude, il est rompu à courber l’échine, à endurer vexations et brimades. Par loyauté ancestrale ou sens du devoir, mais aussi parce que ce maître n’est peut-être finalement pas si méchant que cela.
Les deux hommes partagent même des moments de connivence, de fous rires, lorsque Oblomov évoque les projets de réorganisation de son domaine foncier, où trois cents moujiks (300 âmes) ne demandent qu’à l’aider à bâtir de nouveaux châteaux en Espagne...
Mais alors, dans cette ambiance ouatée, à quoi bon se lever pour vivre ?
Points forts
- La métamorphose du vieux Zakhar en une belle jeune femme autrefois aimée, Olga, qui peut-être aurait pu réveiller Oblomov, le tirer de sa torpeur, le sauver de sa médiocrité. Yvan Varco incarne avec justesse et émotion ce fidèle serviteur revenu de tout, mais qui n’a nulle part où aller.
- Oblomov lui prête sa robe de chambre, inversion soudaine des rôles (le servage en Russie n’ a été aboli qu’en 1861) et tout à coup Oblomov, l’homme brisé intérieurement, devient un être d’une profonde humanité.
Quelques réserves
Un début un peu poussif, entre draps froissés et gros édredons langoureux. Progressivement le rythme s’accélère et, tiens, voici Oblomov parmi les spectateurs : c’est un homme révolté qui ravive des colères anciennes face à l’hypocrisie de la société, à l’inertie proverbiale de la noblesse russe.
Alexandre Chapelon est Oblomov, cet anti-héros, ce petit noble, qui voudrait agir et se réfugie dans ses rêves d’ enfance, mais l’ acteur peine à restituer à son personnage toute sa dimension tragique.
Encore un mot...
« L'oblomovisme » est un concept forgé à partir du mot russe « oblom », qui signifie « cassure ». Oblomov est donc un homme brisé intérieurement, il se contente d’émettre, écrivait Nabokov, une sorte « de protestation silencieuse » contre les oukases de son époque.
Contrairement aux anarchistes russes qui passent à l’ action violente, Oblomov est empêché d’agir par fidélité à sa propre doctrine, “l'aquoibonisme“. Pourtant, sa posture marque une remise en cause radicale des structures de pouvoir…
Une phrase
Oblomov : « Sortir ? [après un long silence]. Et faire quoi ? Regarder les gens courir dans les rues pour revenir eux aussi épuisés et fatigués ? Non Zakhar, ce monde extérieur ne m’intéresse plus. »
L'auteur
Publié en 1858, le roman de Gontcharov est l’un des plus grands romans de la littérature russe du XIXème siècle, une « œuvre capitale » selon Tolstoï, et dont le héros est devenu un mythe littéraire, comme Faust ou Don Juan.
Ivan Gontcharov est né à Simbirsk en 1812 et mort à Saint- Pétersbourg en 1891. Son premier roman, Une histoire ordinaire, rencontra un succès immédiat. Gontcharov appartient au courant littéraire du réalisme russe, comme Tolstoï ou Dostoïevski.
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