Les Mystères de Paris

Du plaisir du mélo en musique
De
Eugène Sue
Adaptation : Patrick Alluin, Eric Chantelauze, Didier Bailly
Livret Éric Chantelauze
Durée : 1h40
Mise en scène
Patrick Alluin
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de la Huchette
23, rue de la Huchette
75005
Paris
01 43 26 38 99
Jusqu’au 24 mai 2025. Du mardi au samedi à 21h

Thème

  • Dans les ruelles obscures du Paris du début du XIXe siècle, Rodolphe, énigmatique aristocrate travesti en ouvrier rencontre une jeune prostituée et un homme brutal à qui il inflige une sévère correction. 

  • Elle, c’est “Fleur de Marie“, une orpheline à la belle voix qui a été malmenée par la vie, et à qui Rodolphe décide de venir en aide. Affrontant un notaire hypocrite et véreux, Maître Ferrand, ainsi qu’un couple de crapules sordidesformé par un bagnard appelé Le Maître d’école et la très sadique vieille femme borgne dénommée La Chouette - le héros a pour ambition de rétablir la justice en venant en aide aux faibles. Car le sombre secret de sa vie passée fait de lui un coupable plein de remords.

  • On retrouve ici la sève des Mystères de Paris, ce roman des « classes dangereuses » devenu, en cours de rédaction, le roman des classes laborieuses : la scélératesse du maitre d’école vantant « le plaisir du maquignon, la volupté du négoce. Se faire du flouze et du pognon sur le dos d’une pauvre gosse » trouve ici écho dans celle du notaire qui vole ses clients et chante « de l’or, de l’or, je veux de l’or et fouler de mes pieds ce troupeau d’imbéciles que je trompe et méprise. »

Points forts

  • La nécessaire concision d’1h40 de spectacle oblige à de telles coupes dans l’œuvre de Sue, qu’il n’en reste guère qu’une trame, livrée à toute allure et avec une légèreté nouvelle. 

  • Mais qui s’en plaindra ? L’esprit du mélo d’Eugène Sue n’est pas absent de ce conte moral tissé d’aventures rocambolesques et de coups de théâtre improbables qui finit bien, dans lequel les méchants sont châtiés et les purs, réhabilités, peuvent accéder au bonheur. Certes, le « chourineur » et bien d’autres ont disparu, mais l’essentiel demeure.

  • La musique et les chants, portés par de fort jolies voix, apportent ce qu’il faut de grâce et de gaité à cette dénonciation des tares morales et sociales d’une société, sans s’encombrer de ces longues dissertations dont Sue parsemait son texte. 

  • Ce que l’on perd en densité sociale, on le gagne ici en plaisir : les trois interprètes donnent vie à une quinzaine de personnages différents, opérant d’irrésistibles et foudroyants changements de costumes et de physionomie, maniant l’humour aussi bien qu’ils usent de leur voix, échangeant force horions réjouissants. 

  • Le tour de force est réussi, le divertissement complet.

Quelques réserves

  • Les premiers moments du spectacle n’échappent pas à une certaine confusion qui fait craindre le pire. Et puis, une fois le cadre posé et les protagonistes identifiés, le spectateur se sent ici comme chez lui.

  • Pour être simple et efficace, le décor n’en est pas moins assez vilain, et s’il évoque bien les ruelles obscures des quartiers infâmes, il se prête moins aux intérieurs bourgeois. 

Encore un mot...

  • Ce début du XXIe siècle se replonge dans la langue et les récits du XIXème siècle : Balzac, Dumas, Hugo et à présent Eugène Sue sont à l’honneur au théâtre comme au cinéma. Peut-être parce qu’au-delà de leur vive imagination et de leur incroyable sens du récit, ils surent livrer de pénétrantes analyses sociales de leur temps.

Une phrase

  • Fleur de Marie : « On dit que je suis une jolie plante. C’est normal, j’ai été bien arrosée, j’ai pleuré tous les jours. »

  • Rodolphe au “Maitre d’école“ : « Tu fus un loup toute ta vie, vois ce que c’est d’être un agneau ! »

  • Clémence à Rodolphe : « Je vous aime et me tue à ne pas vous le dire. »

  • Fleur de Marie et François-Germain [ensemble] : « Car depuis vous, le monde s’éclaire. Et dans la nuit brûle une lumière qui me rassure et m’accompagne sur le chemin. »

L'auteur

  • Bourgeois du faubourg Saint Germain, Eugène Sue peine à s’imposer dans les salons parisiens. Pour documenter le projet des Mystères de Paris il va néanmoins se faire le sociologue des bas-fonds parisiens explorant, travesti en homme du peuple, un monde qu’il était voué par sa naissance à ignorer. 

  • Publié en feuilleton dans le Journal des débats du 19 juin 1842 au 15 octobre 1843, le roman fleuve connait un succès immédiat et immense. Eugène Sue reçoit une abondante correspondance, dont il tient compte pour infléchir la suite de son récit. « Tout le monde a dévoré les Mystères de Paris, même les gens qui ne savent pas lire : ceux-là se les font réciter par quelque portier érudit et de bonne volonté » estimait Théophile Gautier, et il n’avait pas tort. 

  • Comme le fera Hugo avec Les Misérables, Sue dénonce explicitement les inégalités et les injustices sociales de son temps, se faisant le défenseur des classes opprimées. Ses lecteurs ont été sensibles à l’attention que leur portait ce dandy qui aurait pu se contenter de « faire un roman bien épicé, bien salé, à l’usage du beau monde », mais que son propre livre convertit au socialisme !

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