L’Esthétique de la résistance

L’Art, antidote au fascisme
D’après le roman de Peter Weiss
Adaptation de Sylvain Creuzevault
Durée 4h (deux entractes compris)
1h05 / entracte / 1h / entracte / 1h15
Mise en scène
Sylvain Creuzevault
Avec
Juliette Bialek, Yanis Bouferrache, Gabriel Dahmani, Valérie Dréville, Vladislav Galard, Pierre-Félix Gravière, Arthur Igual, Charlotte Issaly, Simon Kretchkoff, Frédéric Noaille, Vincent Pacaud, Naïsha Randrianasolo, Lucie Rouxel, Thomas Stachorsky ...
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l’Odéon
Place de l'Odéon
7500
Pars
01 44 85 40 40
Du 1er au 16 mars 2025, du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h

Thème

  • Adaptation du roman de Peter Weiss, le “narrateur“ traverse l’époque qui va de la guerre d’Espagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la recherche du rapport entre l’œuvre d’art, qu’elle soit picturale, sculpturale ou littéraire, et l’engagement contre le fascisme. 

  • Chaque question se trouve comme enchâssée dans une œuvre d’art célèbre, immense et incontournable (la frise du Grand Autel de Pergame, Le radeau de la MéduseLe massacre des InnocentsGuernica). 

  • Comme Fabrice à Waterloo, le narrateur se fait le témoin d’une époque où les résistants allemands au nazisme doivent quitter le pays pour organiser, en exil en Suisse, en Suède, en France ou ailleurs, une réponse politique au mal du temps. 

  • Communistes contraints de penser comme Staline, sociaux-démocrates en rupture de ban, les exilés occupent la scène et s’interrogent sur leur foi politique et esthétique sur fond de procès de Moscou, de pacte germano-soviétique, d’invasion de la Pologne et de résistance communiste au IIIe Reich avec un hommage appuyé à la vie et à l’œuvre de Bertolt Brecht.

Points forts

  • Un spectacle vivant avec des comédiens qui jouent successivement plusieurs rôles, dont le jeu sonne juste pour former un ensemble de tableaux.

  • Une mise en scène à la fois drôle et par moment bouleversante, surprenante même

  • Une alternance de tableau  à l’esthétique impeccable et de mises en abîme des points de vue qui fonctionnent en écho avec les préoccupations actuelles.

  • Un humour toujours présent, qui sert la prise de distance des acteurs avec leurs personnages et avec le récit historique.

  • Un rythme narratif captivant qui mêle l’histoire de l’art avec la quête du témoignage. Au-delà du verbe, il émane de certains tableaux une authentique poésie.

  • Il faut saluer la performance collective et réellement artistique de l’ensemble de l’équipe.

Quelques réserves

  • Quelques tirades interminables, où les personnages parlent comme des livres, sont à l’origine de longueurs évitables. 

  • Une tendance aux développements didactiques, parfois pesante.

  • Certains moments tournent à la farce.

  • Il n’est pas historiquement juste de réduire la résistance allemande au nazisme aux seuls communistes ou sociaux-démocrates, le spectre politique étant bien plus vaste.

Encore un mot...

  • La célèbre citation de Nietzsche - « Nous avons l’art pour nous empêcher de mourir de la vérité » - résonne avec le propos théâtral, quand la création se met en quête de trouver le chemin qui mène à la résistance. Dans chaque geste artistique, la subversion fait émerger des voies non connues d’avance tout comme l’engagement clandestin.

  • Le parallèle entre l’art et la résistance est en soi pertinent, l’un et l’autre ouvrant des possibles dans une forme de persistance à exister. 

  • Monter et voir cette pièce aujourd’hui revient à explorer ce qui dans la conscience reste uni et ce qui se désagrège en temps de guerre où tous les repères sont troublés voire effacés.

Une phrase

  • [A propos de son Radeau de La Méduse] : « Ce qui, en Géricault, était vital, se situait du côté du renouveau, cela s’exprimait dans le choix de ses thèmes, dans sa manière de peindre, de porter les couleurs sur la toile, dans le traitement des formes, mais sa vie était celle d’un homme le dos au mur, enkysté, sa haine pour l’arrogance, la vanité de la société l’entraîna vers sa ruine, si pour finir il séjourna presque exclusivement dans des prisons, des asiles d’aliénés et des morgues c’est parce qu’il ne supportait plus de vivre que parmi les exclus […]. La fracture au fond de lui-même rappelait un peu la dispersion à laquelle ma génération était elle aussi exposée. […] Sa vie, il n’avait pas pu la transformer à l’aide de la peinture, de même ce qu’on pouvait voir de l’ensemble de son œuvre ne présentait pas une trajectoire de son évolution, aucune modification déterminante de son style, les dix années où il travailla portèrent dès le début la marque de l’état d’emprisonnement où il vivait et de la même intensité avec laquelle il chercha la délivrance. Pour lui, il n’y avait ni secours, ni salut, les énergies inouïes qui s’étaient accumulées en lui ne pouvaient trouver quelque soulagement momentané que dans les tableaux qui prenaient forme, pendant son bref séjour ici-bas la peinture fut pour lui l’instrument avec lequel il affrontait l’excès de tension intérieure, la folie le guettait à tout instant comme moyen de se révolter contre l’engourdissement. Lui qui voulait intervenir dans le système de l’oppression et de la destructibilité se vit courir à sa perte comme un vaincu. Et pourtant je n’avais jamais compris aussi nettement à quel point l’art peut créer des valeurs qui transcendent les blocages, les égarements, comment la création de visions tente de porter remède à la mélancolie. »
    Peter Weiss, L’Esthétique de la résistance, traduit de l’allemand.

L'auteur

  • Peter Weiss (1916 - 1982). Né le 8 novembre 1916 dans la banlieue de Berlin, Peter Weiss passe son enfance à Brême et à Berlin. Écrivain et dramaturge, il est également cinéaste, peintre et graphiste. En 1934, sa famille émigre d’abord à Londres, puis en République Tchèque en 1936. Il se consacre à la peinture— il étudie à l’Académie des arts de Prague. En 1939, il s’installe en Suède, d’abord à Alingsås, puis à Stockholm en 1940. En 1947, il devient correspondant à Berlin pour un journal suédois. Il poursuit ses activités de peintre. Sa première pièce de théâtre La Tour est montée à Stockholm en 1948. Il écrira par la suite en allemand. En 1949, Peter Weiss lance en compagnie d’autres jeunes artistes l’Experimental Film Studio et réalise, entre 1952 et 1955, une série de films expérimentaux, la série de ses « études », sous influence surréaliste. Entre 1963 et 1965, il assiste au procès de vingt-deux responsables du camp d’extermination d’Auschwitz et rédige à partir de ses notes L’Instruction (1965), pièce de théâtre avec laquelle il fonde une nouvelle esthétique, le théâtre documentaire, dont il développe la théorie.
    Peter Weiss reçoit en 1962 le Prix Charles Veillon pour Fluchtpunkt (Point de fuite). Il connaît un succès international avec sa pièce La Persécution et l’Assassinat de Jean-Paul Marat représentés par le groupe théâtral de l’hospice de Charenton en 1963. Il meurt à Stockholm le 10 mai 1982, peu de temps après avoir terminé le troisième tome de son grand roman L’Esthétique de la résistance (Die Ästhetik des Widerstands), écrit entre 1971 et 1981. 

  • Sylvain Creuzevault commence la mise en scène en 2003, avec le groupe D’ores et déjà, dont il est cofondateur. Il se fait notamment connaître avec Notre terreur en 2009 à La Colline, qui traite du Comité de salut public de 1793. Suivent deux spectacles autour de Marx (Le Capital et son Singe en 2014, Banquet Capital en 2018) et en 2016 Angelus Novus AntiFaust. Artiste associé à l’Odéon-Théâtre de l’Europe depuis 2016 avec sa compagnie Le Singe, il y consacre un cycle à Dostoïevski en créant de 2018 à 2021 Les DémonsLe Grand Inquisiteur et Les Frères Karamazov. En 2023, il crée Edelweiss [France Fascisme], qui est le pendant de L’Esthétique de la résistance de Peter Weiss, présentée quelques mois plus tôt au Théâtre national de Strasbourg.

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