Nos éducations sentimentales
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Thème
De nos jours, Frédéric Moreau, un jeune Rouennais bien décidé à réussir dans la vie, part s’installer à Paris, avec aussi l’espoir de retrouver la belle Marie Arnoux, une femme mariée qu’il a croisée par hasard et dont il est tombé amoureux. Bientôt rejoint par son ami d’enfance Deslauriers, il va se lancer dans le tumulte de la capitale, mais le temps va passer et les grands succès tant escomptés ne seront pas vraiment au rendez-vous.
Points forts
1- Pour cette pièce, Sophie Lecarpentier s’est inspirée du roman de Gustave Flaubert « L’Education sentimentale » ; elle en a gardé des personnages, quelques situations, quelques événements. Dans son texte sont cités Nathalie Sarraute et Faulkner. On chante du Demy-Legrand, ou « Le Tourbillon de la vie » de Rezvani car elle multiplie les clins d’œil directs à François Truffaut et à « Jules et Jim ». (Frédéric, son héros, est aussi cousin d’Antoine Doinel par sa difficulté à s’inscrire profondément dans une vie sociale, sentimentale et professionnelle. Tous deux furent d’ailleurs joués à l’écran par le même acteur, Jean-Pierre Léaud).
Bref, Sophie Lecarpentier est une dramaturge qui aime les auteurs, écrivains ou cinéastes, qui prend plaisir à les évoquer et à leur rendre hommage. Son admiration est stimulante.
2- Il s’agit ici d’un théâtre narratif, un théâtre du récit. Enfoncez-vous dans votre fauteuil bien confortablement. Vous allez assister à une histoire, avec des personnages attachants dont vous partagerez les aléas de l’existence. Tout est bien raconté. Les scène, jamais trop longues, s’enchaînent vite et souplement. Quelques accessoires, peu de meubles et des lumières évocatrices suffisent à nous faire passer d’une chambre sous les toits à un bel appartement, d’une piscine aux vestiaires d’un club de tennis.
3- La voix off, enregistrée par Frédéric Cherboeuf, accentue l’aspect romanesque et cinématographique du récit. Rarement utilisée au théâtre, elle confère une place privilégiée au narrateur et apporte parfois un recul réjouissant sur ce qui se passe devant nos yeux de spectateurs.
4- Le ton général reste léger malgré tout : on semble ne pas s’appesantir, surtout sur les événements tristes ou pathétiques. Cela n’empêche pas la pièce de finir sur une note désenchantée.
Quelques réserves
1- Indépendamment de leur talent, certains comédiens ne correspondent pas tellement à l’image que l’on se fait de leur personnage.
2- Dans sa direction d’acteur, Sophie Lecarpentier aurait dû parfois opter pour un jeu moins appuyé, plus cinématographique, qui aurait mieux convenu à l’esprit général.
Encore un mot...
Le théâtre peut être romanesque comme un livre de Flaubert ou cinématographique comme un film de Truffaut. Au-delà des références à ses deux grands aînés, Sophie Lecarpentier signe une pièce très personnelle, dans un genre inhabituel. Une soirée rare.
Une phrase
Frédéric, à la fin de la pièce : « Est-ce que vous trouvez normal que la vie déçoive ? »
L'auteur
Après de brillantes études de lettres et une formation au Conservatoire d’art dramatique de Rouen, Sophie Lecarpentier crée la compagnie Eulalie en 1996, en Normandie. Elle met en scène des textes de Nathalie Sarraute et Vincent Delerm, Beaumarchais et Marivaux, Gérard Watkins et Dieudonné Niangouna. Elle écrit deux pièces avec la collaboration de Frédéric Cherboeuf. En 2007, avec « Le Jour de l’italienne », une création collective, elle raconte les coulisses d’une répétition théâtrale.
Commentaires
Cette chronique est intéressante par ce qu'elle est totalement paradoxale ! Elle donne en effet toutes les raisons de ne pas aimer la pièce comme pièce de théâtre, celle-ci accusant de nombreuses faiblesses, mais comme un nouveau "genre" à mi chemin entre le roman et le cinéma. De ce point de vue le spectacle devient très original. La question se pose donc de juger une pièce selon les seuls critères dramaturgiques. Et en extrapolant, pour un film, un roman, un opéra, etc...
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