
Monsieur Henri raconte. Volet 1 : Histoire du centre-gauche, de Judas à Manuel Valls.
Infos & réservation
Thème
« Monsieur Henri » », c’est l’historien Henri Guillemin, auteur prolifique, un peu oublié à présent, mais qui eut dans les années 1960 et 1970 une certaine notoriété, avec ses sommes conséquentes et retentissantes sur la Révolution française et le XIXe siècle notamment.
François Piel-Flamme le campe à sa manière et le convoque pour son entreprise singulière et périlleuse : faire la genèse du « centre-gauche » en identifiant ses origines, ses géniteurs / trices et ses caractéristiques propres.
Dans un décor réduit à sa plus simple expression (une table, un escabeau et un paper board) mais ô combien fonctionnel, Monsieur Henri débarque, mallette seventies bourrée de documents à la main, et débute une conférence qui prend vite un tour peu conventionnel (malgré son penchant pour les Montagnards devenus maîtres de cette assemblée sous la Révolution française)…
Points forts
L’appropriation des textes d’Henri Guillemin par François Piel-Flamme, lequel tire des écrits de l’historien tout ce qui est susceptible de produire un spectacle vivant, et ce n’est pas simple, si l’on envisage la thématique politique – le “centre gauche“ donc - abordée par ce seul en scène.
Le comédien y met une énergie absolument phénoménale, au point que l’on se demande comment il peut se produire deux soirs et plusieurs semaines de suite !
Et ce d’autant que la tâche s’annonce colossale : en moins d’une heure et demie, il s’agit de traiter la genèse du centre-gauche (dans l’entourage de Jésus-Christ, ce « paléo-Che Guevara de Judée »), puis sa mère (en la personne de… Voltaire), son père et le(s) rejeton(s), un spécimen étant mentionné en sous-titre du spectacle…
Le comédien peut dans ces conditions montrer l’étendue de son talent et de sa vis comica : son mouvement permanent, sa gestuelle et ses expressions sont sources de sidération et d’intérêt permanents pour un public vite conquis, et qui en perd l’esprit d’à propos quand il est interpellé à intervalles réguliers… Mais, « pas grave, c’est pour moi, c’est pour moi ! » nous dédouane aussi sec un François Piel-Flamme, dont la grande carcasse semble montée sur ressorts, et qui s’affaire sans relâche, tel un Alain Decaux survitaminé.
Quelques réserves
- Elles sont considérables… si l’on est du centre-gauche ! Les autres n’y trouveront guère à redire.
Encore un mot...
Avec « monsieur Henri », on est en présence d’un historien militant et d’une histoire très engagée, qui ne fait pas toujours dans la nuance et prend volontiers ses aises avec méthodes ou sources. Cela donne ici ou là une interprétation des événements (la Révolution française, la Commune de Paris), des personnages historiques (de Mme de Staël, cette « énorme bourgeasse », à Adolphe Thiers, car « le libérateur du territoire » passe un sale quart d’heure, mais nous un bien meilleur) et des forces sociales (la haute société du XIXe siècle) ou politiques (ce « centre gauche » honni) loin d’être partagée par la communauté scientifique. En effet, les thèses de cet historien ont pu être vivement critiquées par les spécialistes universitaires des périodes et thématiques abordées par lui.
Certes, on ne peut donc pas dire qu’au plan historiographique, les thèses d’Henri Guillemin aient jamais fait autorité ; cependant, ce sont ses excès mêmes qui permettent à François Piel-Flamme de nous livrer une performance ébouriffante, pour le meilleur et pour le rire… Avec un tel comédien, et même si « Monsieur Henri » et Elon Musk ne sont franchement pas du même bord politique, on s’aperçoit qu’il n’y a pas que le patron de Tesla qui carbure à la Kétamine…
Une phrase
- Lamartine [à propos de « l’Incorruptible »] : « Robespierre est disqualifié pour la politique : il croit tout ce qu’il dit ! »
L'auteur
Henri Guillemin (1903-1992) effectue d’abord un parcours académique impeccable : normalien, cet agrégé de Lettres devient professeur à l’université de Bordeaux. Chrétien de gauche, il se définit bientôt comme « bolchévique, catholique et misogyne » et en vient à cultiver une défiance vis-à-vis de « l’histoire bien pensante », à l’instar de la philosophe Simone Weil, pour qui « croire à l’histoire officielle, c’est comme croire un criminel sur parole » !
Historien, il a produit énormément d’ouvrages, d’articles et de conférences sur la Révolution française et le XIXe siècle français, avec un faible pour Maximilien Robespierre et des aversions marquées pour les Girondins adversaires des Montagnards, ou encore diverses figures marquantes de la vie politique d’alors, d’Adolphe Thiers aux « quatre Jules » (Favre, Ferry, Grévy et Simon), pères fondateurs de la IIIe République mais incarnations des élites défaitistes selon lui.
Si les travaux d’H. Guillemin ont donné lieu à des appréciations mitigées (c’est un euphémisme) dans les milieux académiques, il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle, ses interventions font l’objet d’un spectaculaire regain d’intérêt sur les réseaux sociaux, mais pas seulement, comme tend à le prouver ce spectacle.
Ajouter un commentaire