
Les gratitudes
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Thème
Michka, une femme âgée, perd peu à peu l’usage de la parole, événement d’autant plus bouleversant que les mots furent la vie de cette ancienne parolière.
Placée dans un EHPAD, elle doit imaginer un nouveau rapport aux autres avec Marie, jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre, touché par sa quête. Car avant de mourir, Michka voudrait retrouver le couple qui a sauvé la petite fille qu’elle était.
Points forts
La forme du spectacle est originale, mêlant chanson, musique et texte. On est surpris quand le chant fait irruption entre deux dialogues, mais nous avons tous notre propre musique sans oser nous le dire.
C’est un spectacle infiniment touchant que nous offre ici Fabien Gorgeart, dans une mise en scène délicate et originale d’un drame bouleversant. Sans pathos mais avec humour, humanité et tendresse, il installe un rapport entre les spectateurs et les comédiens, un lien particulier , privilégié, dès le début du spectacle qui nous immerge immédiatement dans l’histoire.
C’est un spectacle qui apaise, dédramatise et touche profondément. Cette Michka qu’incarne merveilleusement Catherine Hiégel nous ressemble un peu. Entre humour et tragédie, Pascal Sangla déploie tout son talent, en donnant au personnage de Jérôme une partition fragile, bienveillante et bercée d’incertitude. Bousculés entre rêve et réalité ces deux personnages apprivoisent l’absence à venir, les douleurs d’hier et d’aujourd’hui dans une langue finement travaillée. Laure Blatter est le témoin de ce départ vers le silence et l’absence de mots, confrontée à l’impuissance d’un amour qui s’épuise parfois à rester témoin d’une vie qui s’efface. Elle est la mélodie de cette partition à trois qui flotte entre sensibilité et résignation.
Une belle création lumière, qui invite à la douceur.
Quelques réserves
Pas trouvée.
Encore un mot...
A-t-on vraiment tout dit à ceux qu’on aime ? Regrets, repentir, remords ou tout simplement gratitude à l’égard d’autrui ? Peut-on réparer sa parole quand on n’a pas su trouver les mots, qu’on n’a pas pu réparer ceux qui nous ont échappés ? Donne-t-on assez d’importance à ceux qui ont traversé la vie et qui, au bout du chemin, se retrouvent parfois, souvent seuls dans le brouillard de la mémoire ?
« Le temps passe, ce n’est rien » pourrait-on dire, mais on se retrouve devant le constat que ce n’est pas « tellement » rien. Entre pudeur et impudeur des sentiments, la leçon de ce spectacle sur le naufrage programmé de la mémoire, c’est qu’il faut apprendre à l’apprivoiser et surtout ne pas oublier dire « merci » tant qu’il est temps. Le bonheur est à ce prix.
Une phrase
Michka : « Alors quels sont vos point forts ? Quelle est votre pire faiblesse ? Quels sont vos axes d’amélioration ? Quelle est votre marge de progression ? Votre indice de perfectibilité ? - Je suis une vieille dame – Vous voyez, c’est bien ça le problème – En fait je ne peux plus rester chez moi, j’ai peur. Je perds des choses, j’ai peur que ça s’aggrave…. »
Marie : « Les rêves, elle les racontait plusieurs fois ; il y a avait des variantes, soit parce que le souvenir peu à peu se précisait, soit parce qu’elle ajoutait quelques détails qu’elle jugeait plus frappant, pour que nous, nous qui allions et venions comme bon nous emblait ; nous qui étions en pleine possession de nos moyens puissions saisir le sentiment de terreur qui la submergeait. »
Jérôme : (…) « Moi je suis orthophoniste, vous savez ce que c’est ?
Michka : Oui, tout de même ; J’ai été parolière , vous savez, pour de grands altistes…artistes…
Jérôme : Formidable ! On va pouvoir bien travailler tous les deux. Vous allez voir, on va faire des exercices , des devinettes, des choses comme ça.
Michka : D’abord ! [se reprenant]. Oh ! d’accord ! »
L'auteur
Écrivaine, réalisatrice de cinéma, scénariste et romancière, Delphine Le Vigan commence sa carrière en 2001 en publiant son premier roman Jours sans faim, qui raconte le combat d’une jeune femme atteinte d’anorexie mentale.
Dans ses romans, elle dénonce des faits de société comme le harcèlement moral au travail avec Les heures souterraines ou les troubles bipolaires, avec Rien ne s’oppose à la nuit. A partir de 2011, elle obtient de nombreux prix, et c’est en 2015 qu’elle obtient conjointement le prix Renaudot et le prix Goncourt des Lycéens pour D’après une histoire vraie.
Ses romans sont traduits dans plus d’une vingtaine de langues. Trois de ses œuvres sont adaptées au cinéma par Zabou Breitman, Philippe Harel et Roman Polanski. En 2024, elle aborde le genre théâtral avec la pièce Les figurants.
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