Moman, pourquoi les méchants sont méchants ?

Les méchants sont méchants mais le théâtre est beau
De
Jean-Claude Grumberg
Durée 1h20
Mise en scène
Noémie Pierre, Clotilde Mollet et Hervé Pierre
Avec
Clotilde Mollet et Hervé Pierre
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

La Scala
13, boulevard de Strasbourg
75010
Paris
01 40 03 44 30
Jusqu’au 19 juin. Le mardi et mercredi à 14h et 21h30

Thème

  • Une mère et son fils en tête à tête, un père absent. L’enfant, vif, curieux déborde de questions mais parle aussi de ses peurs (aller faire pipi, croiser des méchants), de son ennui, de ses attachements, de ses déceptions. Il va à l’école, bon gré mal gré. 

  • La mère, lasse, rouspète contre le père absent et « nierveux » qui n’a « pas payé l’électrique », parle de la guerre vécue par son propre père alors qu’il était enfant, s’attendrit sur son « Louistiti », son « Chipounet » chéri, son « fils unique et préféré », s’agace parfois de ses incessantes questions (« le pourquoi m’casse la tête »). Ils rient ensemble ou l’un de l’autre, crient parfois, s’aiment plus que tout, unis sur leur îlot par une incoercible douceur

  • Il y a dans leurs échanges, traversés par la conviction de la mère que pour vivre heureux il faut s’endurcir, de la mélancolie, de la malice, une certaine anxiété et une immense tendresse. 

Points forts

  • Le texte, tissé par une langue populaire, ciselée, extraordinaire et drôle inventivité (« Moman J'ai poeur », « J'm'énnuie »), est formidable. La torsion infligée aux mots stimule leur capital poétique, leur épaisseur sémantique, leur verve comique, et leur donne une saveur qui, en les sauvant de l’usure qu’inflige la banalité des usages, les ressuscite littéralement...

  • La mise en scène de Noémie Pierre n’est pas moins créative : la cabane peu à peu déshabillée fait songer à certaines œuvres de Christian Boltanski pour l'usage des toiles, à la fois vêtements et tissus, avec le même écho implicite à la Shoah. Et cet espace minuscule, qui dit l’intimité de ces deux êtres et l’infini de leurs ressources personnelles, comme l’inversion des genres et l’échange des rôles, tout ceci confère un éclat particulier à ces moments de quotidien.

  • Il faut évidemment saluer la qualité de l’interprétation de ces deux grands comédiens que sont Clotilde Mollet et Hervé Pierre : en échangeant leurs rôles, ils parviennent à donner toute sa profondeur à la représentation des différents âges de la vie et des liens qui jamais ne se défont. 

Quelques réserves

La musique a beau être parfaitement bien choisie, elle souligne peut-être un peu trop le passage d'un tableau à l'autre. 

Encore un mot...

  • Ode à l'amour filial et maternel, un amour harcelant, infini qui se livre dans la trivialité des mots simples et d’un langage commun, ce spectacle montre à quel point une famille est aussi une cellule culturelle. 

  • On pense à Beckett, bien sûr, mais un Beckett plus tendre et qui croirait à la possibilité des relations humaines, qui cependant ne dissimule rien de l’absurdité des choses et de la solitude des êtres.

Une phrase

  • « S’il y avait une petite fille à ma place, moi je serais où ?
    Tu ne serais pas. »

  • « La guerre c’est beaucoup, beaucoup de bruit et beaucoup de feu. La guerre c’est comme à la télé. »

  • « Si on était riche on se tournerait les pouces en bouffant du chocolat au lait assis sur un tas de pognon. »

  • « Tu verras quand tu seras vieux… J’te laisse la surprise. »

L'auteur

• Ecrivain, scénariste et dialoguiste pour le cinéma - Les Années SandwichesLe Dernier Métro (1980), La Petite Apocalypse (1993), Le Plus Beau Pays du monde (1999), Faits d'hiver (1999), Amen (2002), Le Couperet (2005) – mais aussi pour la télévision, Jean-Claude Grumberg est également une figure du théâtre français, ce dramaturge ayant à son actif une quarantaine de pièces. L'Atelier est sa pièce la plus connue et la plus jouée.

• Il a écrit dix pièces pour la jeunesse et des contes, et reçut en 1991 le Grand prix de l'Académie française, le Grand prix de la SACD en 1999 pour l'ensemble de son œuvre, et, depuis, trois Molières. 

• Grumberg écrit sur ce qui le hante depuis l’enfance : la disparition de son père , arrêté par les Allemands et déporté à Auschwitz, événement à peine suggéré mais bien présent dans Moman), mais aussi la vie des gens simples et l’enfance. 

• Ce spectacle est adapté de son texte Moman 10 fois, publié aux éditions Acte Sud en 2017.

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