Moi, soldat inconnu
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Thème
Deux "poilus" de la Grande Guerre, du 16e Régiment d'infanterie, l' un tout jeune appelé inexpérimenté et l'autre, soldat plus âgé engagé volontaire, se retrouvent seuls dans une tranchée. Qu'est-ce qui leur arrive, leur permet de survivre et d'affronter leur sort ?
Ce spectacle a reçu le label « Centenaire » délivré par la Mission du centenaire de la Première Guerre Mondiale.
L'auteur, qui signe ici sa première pièce en tant qu'auteur, Grégory Duvall, tout en interprétant le rôle du jeune soldat, explique que ce "devoir de mémoire" lui tient à coeur car le sacrifice de tant de millions de Français fait partie de notre histoire, de notre patrimoine génétique et doit être transmis : " Je voulais raconter leurs vies à travers le prisme de deux soldats dans les tranchées, seuls contre tous. Déterrer ce passé oublié, parfois méconnu en plongeant les spectateurs en immersion avec nos deux soldats français morts pour la patrie. Et rendre hommage à leur bravoure".
Points forts
· Malgré ce sujet si grave, le spectacle n'est jamais pesant ni empreint de lourdeurs mélodramatiques ; l'alternance des moments de répit (quelques uns) et des moments difficiles à vivre, les lettres envoyées par l'épouse, les chansons de l'époque, l'émotion, l'amitié, l'espérance du retour, les rations infectes, les pieds gelés, l'odeur insoutenable... tout est mentionné et contribue à souligner le côté "vécu quotidien".
· La force de la scène est ici démontrée : elle permet de faire comprendre l'Histoire mieux encore qu'une page de livre.
· Impeccable talent des trois personnages : le jeune appelé (Grégory Duvall), le vieux soldat Emile (Jean-Claude Robbé avec sa belle et longue carrière de comédien), et la fiancée Marie restée à l'arrière, écrivant et oeuvrant dans une usine d'obus (émouvante Amala Landré), sont parfaitement crédibles dans leurs rôles respectifs, parfaitement servis par l'écriture du texte, inspiré de lettres de poilus.
· Le décor, une tranchée avec un horizon glacé, quasi lunaire, est soigné, sans doute réalisé avec des objets de l'époque, tout comme les costumes. Les sons (tirs- obus- cris- sonneries militaires, avions, etc), jamais excessifs, les lumières, et, d'une manière générale la mise en scène due à Philippe Ogouz, sont bienvenus pour recréer une juste ambiance.
· La critique de ce "bain de sang", souvent qualifié de "boucherie" n'est pas absente et les deux hommes se posent bien des questions autour de l'obéissance aveugle à la hiérarchie (ordres stupides), la remise en cause de certains hauts gradés (trop à l'arrière, rarement au front), le droit accordé de tuer, la peur, mais aussi le courage, le patriotisme, le sacrifice librement consenti.
Quelques réserves
· La "méditation" philosophico-théologique relative à l'existence de Dieu peut paraître un peu légère ("S'Il existe, et je n'y crois pas, pourquoi autorise-t-Il la guerre ?") même si la réponse du vieux est surprenante.
· Marie, la jeune fiancée, a un sourire charmeur, une capacité évidente à transmettre l'émotion (pour maintenir le moral de son fiancé, elle relate des anecdotes légères et heureuses). Sa voix de chanteuse expérimentée (elle chante régulièrement dans les cabarets de Montmartre) est mélodieuse; mais elle pourrait la forcer un peu, du moins dans le début de ses phrases parlées.
Encore un mot...
Un conseil : si vous pouvez y aller, n'y allez pas seul, emmenez des jeunes, adolescents, enfants (à partir de 10-12 ans), sans tarder, avant le 11 novembre, en réservant car la salle est vite remplie... Voilà une excellente façon de leur faire comprendre ce qu'ont vécu, vraisemblablement, au front et à l'arrière, le père et la mère de leurs grands-parents.
Le vécu quotidien leur fera mieux retenir cette terrible page de l'Histoire de France (ce qui ne les dispensera pas d'en apprendre les dates et les chiffres plus tard !) Et profitez-en pour leur faire découvrir Le Moulin de la Galette, à Montmartre, il est à deux pas !
Une phrase
Ou plutôt deux:
- "Quelle drôle d'idée d'appeler ces hommes des tranchées des poilus alors que les plus jeunes (enrôlés quasi adolescents vers la fin de la guerre) ont à peine trois poils au menton !" (dixit le jeune soldat).
- "Tout a sa raison d'être : la guerre, une folie, est temporaire, ses leçons, elles, sont durables..." (dixit le vieux soldat).
L'auteur
- Grégory Duvall, la trentaine, a reçu sa formation entre 2007 et 2011 au Cours d’art dramatique auprès de l’Académie Oscar Sisto, tout en prenant des cours de chants et en suivant un stage de Commedia dell'arte. Il a de nombreuses cordes à son arc puisqu'il a tourné au cinéma dans plusieurs films (parmi lesquels en 2017 Le Collier Rouge de Jean Becker et la même année, Nos années Folles d'André Téchiné) ainsi que dans plusieurs séries pour la télévision (Arte et M6 entre autres). Il prête également sa voix à la radio et pour des doublages au cinéma. Sollicité pour des créations fort différentes, sa carrière, qui ne fait que débuter, s'annonce prometteuse.
- Quant au metteur en scène, Philippe Ogouz, certains spectateurs se souviennent sans doute de lui: sa carrière, débutée en 1958, a été une longue suite de succès, participant à plus de 70 spectacles majeurs comme comédien; il fut l'un des premiers "enfant de la télévision" dans des téléfilms-culte (Rouletabille). Ses talents ne sont plus à prouver tant il a reçu de nombreuses récompenses pour ses créations et ses interprétations. En 2017, il a repris avec succès son spectacle culte, « La rafle du Vel d’Hiv ».
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