Modi

La métamorphose de Stéphane Guillon: chapeau !
De
Laurent Seksik
Mise en scène
Didier Long
Avec
Stéphane Guillon, Sarah Biasini, Geneviève Casile, Didier Brice.
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre de l'Atelier
1, place Charles Dullin
75018
Paris
0146064924
Jusqu'au 31 décembre 2017

Thème

Un atelier de peintre à Montparnasse en 1917. Attention ! pas n’importe quel peintre, non, on est avec Amadeo Modigliani (1884- 1920), l’Italien de Livourne installé à Paris, comme à l’époque tant d’autres, de Pablo Picasso à Henri Matisse en passant par Chaïm Soutine ou encore Moïse Kisling. Pas très loin, il y a aussi le poète Guillaume Apollinaire. 

Dans cet atelier, on découvre une mère et sa fille, celle-ci étant l’épouse de Modigliani. 

La mère, Eudoxie Hébuterne, reproche à sa fille enceinte cette union avec cet Italien bohême, irresponsable, alcoolique avec un penchant certain pour l’absinthe, drogué au cannabis et au haschich et pour finir, tuberculeux; et lui conseille de le quitter au plus vite; et aussi, de se débarrasser du bébé qu’elle porte. 

La fille, Jeanne Hébuterne, est follement amoureuse; à un point tel que, peintre très talentueuse, elle mettra fin à sa carrière pour être la muse et le modèle de « Modi » le maudit. 

La pièce, centrée sur les trois dernières années du peintre et sculpteur, aussi génial que scandaleux, évoque également le monde de la peinture, avec le marchand d’art et poète polonais Léopold Zborowski; ce qui donne de délicieux échanges entre « Modi » et "ZBo", qu'il tient pour l’amant de sa compagne, Jeanne. 

Mais au dessus de tout, plane l’amour. Le grand thème de la pièce. L’amour fou d’une femme pour son homme souffrant jusqu’au plus profond de sa chair du manque de reconnaissance mais prince de la bohême jusque dans son agonie, terrassé par la tuberculose.

Points forts

- Le texte de Laurent Seksik, romancier confirmé. On a là une véritable leçon de dramaturgie: c’est tragique, c’est comique, c’est pathétique; mais c’est léger comme un tableau de Modigliani.

- La mise en scène classique mais très efficace de Didier Long, soutenue par un décor sombre, de Jean-Michel Adam.

- Une distribution de haut vol avec deux « Rolls Royce », Geneviève Casile et Didier Brice, et une comédienne, Sarah Biasini, qui prouve une fois encore qu’elle est bien plus qu’une « fille de » (Romy Schneider, en l’occurrence).

- Dans le rôle de Modigliani, Stéphane Guillon a la barbe grise épaisse et le sourcil toujours levé. Réputé humoriste grinçant et spécialiste du seul en scène, il rappelle là dans « Modi » qu’il est avant tout un (excellent) comédien de formation classique, capable de passer d’un registre à un autre avec une belle agilité artistique. Il est parfait dans le rôle de ce personnage maître dans l’art du trait d’esprit.

Quelques réserves

Difficile de trouver un point faible à cette pièce. Avec « Modi », Laurent Seksik a évité le piège que sous-tend toute histoire d’un artiste avec sa muse...

Encore un mot...

- La flamboyance du Montparnasse du début du 20ème siècle, voilà un décor parfait pour le destin tragique et lumineux de Modigliani, remarquablement évoqué ici. 

- Et puis il y a Stéphane Guillon, qui rappelle, là, qu'il est un remarquable comédien.

Une phrase

- Eudoxie : « Dire que tu aurais pu avoir le monde à tes pieds… Et te voilà à genoux devant le pire des hommes !

- Jeanne : Je ne suis pas à genoux et c’est le meilleur des hommes !

- Eudoxie : Je n’arrive pas à t’imaginer, toit, ma petite fille, si douce, si précieuse, sur… ce matelas… Tu nous a trahis, Jeanne. Tu trahis qui nous sommes, ce en quoi nous croyons. Au nom de quoi ?

- Jeanne : De ma vie.

- Eudoxie : Une vie de bohême… c’est cela dont tu rêves ? Habiter un taudis à côté d’un fou ? (…) »

L'auteur

Né en 1962 à Nice (Alpes-Maritimes), Laurent Seksik est médecin, journaliste, scénariste de BD et écrivain français. Il commence à écrire à 18 ans, tout en débutant ses études de médecine. En 1999, il publie son premier roman, « Les Mauvaises Pensées », suivi en 2004 de « La Folle Histoire » pour lequel il recevra le prix Littré, puis en 2006 « La Consultation ». En 2008, il publie une biographie d’Albert Einstein. En 2010, ce sera « Les derniers jours de Stefan Zweig », grand succès de librairie (plus de 150 000 exemplaires vendus), traduit en quinze langues. Cinquième roman en 2011 : « La Légende des fils »; suivi en 2013 par « Le cas Eduardo Einstein » (traduit en douze langues); en 2015, par »L’Exercice de la médecine »; et en janvier 2017, par « Romain Gary s’en va-t-en guerre ».

Dramaturge, il a écrit à ce jour trois pièces. Les deux premières (« Les derniers jours de Stefan Zweig »- 2013, et « Le Monde d’hier »- 2016) sont des adaptations. « Modi »  est en fait sa première pièce « originale ».

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