Mayday

En pleine figure!
De
Dorothée Zumstein
Mise en scène
Julie Duclos
Avec
Maelia Gentil, Vanessa Larré
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Théâtre National de la Colline
15 rue Malte Brun
75020
Paris
0144625252

Thème

En 1968, une journaliste anglaise, Gitta Sereny, assiste à un procès hors du commun, celui de Mary Bell, une petite fille d’à peine onze ans qui a étranglé, à un mois et demi d’intervalle, sans motif apparent, deux petits garçons âgés, respectivement, de quatre et trois ans. 

Parce qu’elle est très jeune, et que les psychiatres la considèrent psychopathe, Mary est condamnée à une peine de prison d’une durée indéterminée. Elle est finalement libérée en 1980. 

Plusieurs années après, pour tenter d’échapper à ses cauchemars, elle accepte de rencontrer Gitta Sereny et de lui raconter ses souvenirs. Ces  entretiens donneront lieu à un livre intitulé « Une si jolie petite fille ».

C’est de ce livre, et aussi d’une enquête réalisée dans la ville où les faits ont eu lieu, que s’inspire ce « MayDay », signé Dorothée Zumstein. La pièce évoque essentiellement trois figures féminines : celle de la petite meurtrière, celle de sa mère et celle de sa grand mère, le tout sur fond  d’inceste, de prostitution, de violence et de misère sociale.

Points forts

- Peut être ne s’en rend-t-on pas compte au premier acte mais le texte de cette pièce est formidable, qui brosse, de façon à la fois réaliste et poétique, presque fantasmée, le portrait  de trois femmes d’une même lignée. Elles ne se ressemblent pas, mais elles ont en commun d’avoir dû supporter une sacrée chienne de vie.

Il y a  d’abord une mère, Alice, tant soumise à son ouvrier de mari qu’elle ferme les yeux en découvrant qu’il couche avec sa fille ainée; une fille (cette fille), Betty, qui devient prostituée et mère à son tour, à seize ans, d’une gamine qu’elle maltraite, physiquement et moralement; et cette gamine, Mary, si déboussolée et si privée de repères, qu’elle se fait meurtrière à onze ans, sans qu’on sache si elle a conscience de la portée de ses actes. 

Mary, Betty, Alice, trois générations de femmes, qui apparaissent en scène en obligeant le spectateur à remonter le temps. Elles parlent, hurlent, dansent, ou se confessent, c’est selon, mais le résultat est qu’une scène suffit à résumer leur existence. Et c’est assez poignant.

- Le décor est splendide. Un salon avec télé, table basse et canapé assez bas de gamme au premier plan. A l’arrière, un pavillon, d’un étage, démoli, à l’abandon, ouvert à tous vents. A cour, un cabanon qui va servir de refuge  (de maison ?) successivement aux trois femmes. Un des murs du pavillon va servir d’écran pour des projections vidéo (images d’archives ou  confessions des femmes filmées en direct). Des projecteurs vont, par moments, donner à l’ensemble l’allure d’un plateau de cinéma. Ombres, lumières, fumées… De réaliste, l’atmosphère plonge dans le fantasmagorique… Le sordide se mue en poétique…

- Betty et Alice, respectivement la mère et la grand-mère d’Alice sont jouées par des comédiennes qui clouent les regards. Elles sont belles, sauvages, paumées.

Quelques réserves

La première scène souffre d’une longueur qui paraît excessive. Elle devrait installer la situation et/ou donner des clés pour la compréhension de la pièce… Il ne s’y passe pas grand chose… Peut-être  est-ce dû au fait qu’on n’entend pas bien la comédienne, pourtant dotée d’un micro HF, qui joue Mary, à 40 ans. Selon une mode très en vogue, hélas, sur les scènes de théâtre, aujourd'hui, elle chuchote son texte...

Cette manie de ne pas articuler quand on doit « intérioriser » est très agaçante pour le spectateur.

Encore un mot...

Reconstituer, sur scène, l’histoire vraie d’une petite fille de onze ans bringuebalée entre pauvreté et coups jusqu’à en perdre toute notion de bien et de mal, jusqu’à en devenir délinquante, puis, « tueuse », par deux fois... On imagine la lourdeur de plomb qu’aurait eu un spectacle qui se serait appuyé sur le seul réalisme… 

Grâce au texte, très poétique, de Dorothée Zumstein, grâce aussi à la mise en scène, très onirique, de Julie Duclos, ce « Mayday », pourtant d’une noirceur radicale, ne souffre d’aucune pesanteur. Tout est vrai, tout est irréel. Tout (sauf le début) est fascinant.

Une phrase

« Je pense à « Sonate d’automne » de Bergman, où la mère et la fille se parlent pendant tout une nuit, crient, pleurent, règlent leurs comptes, une nuit entière comme une catharsis… Dans «  MayDay », l’interview  vaut bien cette nuit là. Elle nous propulse dans la tête de Mary, dans son corps… »

( Julie Duclos, metteur en scène).

L'auteur

Si on lui demandait quelle activité, de traductrice littéraire ou de dramaturge, elle préfère, peut-être Dorothée Zumstein ne saurait-elle pas répondre tant ces deux activités sont chez elles complémentaires et indissociables…

Petite fille, elle a trois passions. Elle collectionne les fossiles, lit à peu près tout ce qui lui tombe sous la main, et se pâme devant les films d’Hitchcock, de Wells et de Fritz Lang. 

Après des études de troisième cycle en Lettres et Civilisation anglaise, elle commence par devenir traductrice, de romans et nouvelles (Dan Fante, Joyce Carol Oates, Barry Graham), mais aussi de théâtre, dont plusieurs pièces de Shakespeare. 

En 2006, elle se lance dans l’écriture dramaturgique. Sa première pièce, « Time Bomb », obtiendra plusieurs prix. Depuis, elle en a  écrit une dizaine, toutes publiées chez Quartett. Leur particularité est de s’inspirer de mythes contemporains ou de faits divers, comme ce « Mayday » qui vient d’être créé au théâtre de la Colline.

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