Massacre

Les fleurets n'étaient pas mouchetés
De
Lluïsa Cunillé
Mise en scène
Tommy Milliot
Avec
Sylvia Bergé, Clothilde de Bayser, Nâzim Boudjenah (ou Miglen Mirtchev les 13 et 14 février)
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Comédie Française Studio
99 rue de Rivoli - Galerie du Carrousel du Louvre
75001
Paris
01 44 58 15 15
Du 23 janvier au 8 mars, du mercredi au dimanche à 18h30

Thème

Le Massacre désigne ici un trophée de cervidé ou de sanglier appliqué à un mur, mais ce titre, comme la pièce, revêt bien d’autres significations :
- une confrontation entre deux femmes, dans le huis clos d’une auberge de montagne : l’une est la propriétaire-exploitante et l’autre sa dernière cliente, une enseignante venue se remettre d’un divorce. La première veut fermer son hôtel, la seconde veut y rester.
- l’arrivée d’un homme ayant blessé un cerf sur la route et qui veut à tout prix l’achever, autant pour son soulager sa conscience que pour abréger les souffrances de l’animal.

La conjugaison de ces deux situations va faire des dégâts.

Points forts

• Le texte est au centre de la pièce. Dans un huis clos vite étouffant, trois comédiens, peu de décors, une mise en scène minimaliste et à partir de ce dispositif restreint, rien de ce qui va se passer – presque exclusivement par la parole – n’est anodin. Il suffira de quelques objets, de courts échanges, pour que l’histoire nous prenne par la main et nous entraîne dans ce qui va bouleverser le destin de chaque personnage.

• Il y a dans cette histoire l’obsession de raccrocher chaque élément à un réel bien concret. La dramaturgie mise en place nous permet de suivre les personnages à travers les indices que le texte nous donne, parfois avec parcimonie, pour en comprendre l’évolution.

• Derrière les joutes oratoires auxquelles se livrent les trois personnages (D, H, l’automobiliste), et qui vont aboutir à ce fameux « massacre ». La fin tragique nous étant annoncée dès le titre,  ce n’est pas le résultat qui compte, mais la façon par laquelle se déroule l’affrontement total, allant jusqu’à la mort. L’obsession de chaque personnage à dominer les autres, rend ce duel à trois à la fois inévitable et étouffant, pour eux comme pour le spectateur.

• Les acteurs magnifiques de la Comédie Française servent le texte avec humilité, accompagnant les mots en veillant à ne pas oblitérer le sens que leur a donné l’auteur. Leur interprétation juste interroge en permanence l’imaginaire des spectateurs.

Quelques réserves

• La pièce est typique du théâtre contemporain, qui transforme la scène en lieu de combat, politique, économique et social avec des textes écrits au scalpel, et produit au final des dialogues empreints d’une certaine sécheresse. 

• Il en est qui n’apprécieront pas ce dénuement, cette volonté d’écriture à l’os, loin des effets auxquels un autre théâtre nous a habitués, qui privilégie l’originalité ou la virtuosité au détriment du sens. Cette obsession du mot juste et nu, qui sollicite en permanence le spectateur, exige un public prêt à se confronter à l’exercice.

Encore un mot...

Alors que pour la première fois, Lluïsa Cunillé est jouée en France, on retrouve dans son théâtre des similitudes avec un grand dramaturge anglais, Harold Pinter, pourtant d’une autre époque, mais aujourd’hui largement repris dans les théâtres parisiens et donc dans nos colonnes.

Laurent Gallardo, son traducteur : « comme dans le théâtre de Pinter, la banalité du discours devient l’espace privilégié de domination physique, psychologique et sexuelle entre les personnages. »

Une phrase

H :” Il est possible de remplir la piscine ?
D : La piscine ?
H : Quand je suis arrivée, un client vous a demandé de remplir la piscine et vous avez refusé.
D : Il ne savait pas nager.
H : Pourquoi est-ce qu’il voulait qu’on la remplisse la piscine s’il ne savait pas nager.
D : Aucune idée.
H : Moi je sais nager.
D : Mais je ne vais pas remplir la piscine pour quelques jours. Vous auriez pu me le demander avant.”

L'auteur

• Lluïsa Cunillé est née en 1961 en Espagne. Après s’être formée en participant à des séminaires de dramaturgie textuelle, elle fonde les compagnies Hongaresa de Teatre en 1995 et La Reina de la Nit en 2008. Depuis son premier texte en 1992, elle a écrit quarante-cinq pièces et adaptations, qui lui ont valu de nombreuses distinctions.

• Pour Laurent Gallardo, son traducteur : « Elle prône un retour au théâtre de texte après une période marqué par l’essor d’une dramaturgie scénique, ou l’écrit est perçu comme un élément subalterne de la création théâtrale (…). Ce n’est pas pour renouer avec les vieilles lunes du théâtre bourgeois, mais au contraire pour s’en écarter et faire émerger une esthétique qui interroge le rapport du théâtre au réel. ».

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