Marie Tudor
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Thème
Nous sommes à la cour d’Angleterre, en 1553, sous le règne de Marie Tudor, fille d’Henri VIII d’Angleterre et de Catherine d’Aragon. Unité de lieu, unité de temps (3 jours…) Marie Tudor est amoureuse de Fabiano Fabiani, un séduisant aventurier italien. Mais « l’Italien » est honni de tous à la Cour et notamment de Simon Renard, le représentant de Philippe II d’Espagne, chargé d’organiser le mariage de Marie Tudor avec ce dernier. Non loin de là, un pauvre ouvrier ciseleur nommé Gilbert est sur le point d’épouser une jeune orpheline, Jane, qu’il a recueillie lorsqu’elle fut abandonnée encore bébé, mais dont il ignore qu’elle est la fille et la riche et puissante héritière de Lord Talbot, mort assassiné. Fabiano Fabiani qui a découvert ce secret va tout faire pour empêcher ce mariage, à commencer par séduire la jeune Jane, ce qui fera le désespoir de Gilbert et engendrera la colère vengeresse de la reine ulcérée. Au terme de moult rebondissements dignes d’un roman policier, Gilbert et Fabiani seront tous deux condamnés à être décapités, sur ordre de la reine. Celle-ci, toujours amoureuse, se rend compte de son manque d’autorité face à la Cour, et face à Simon Renard qui n’a cure des sentiments et souhaite « sauver la reine, et sauver l’Angleterre ». La mort rôde à chaque instant, la menace de l’échafaud n’épargne personne (cette peine de mort que Victor Hugo exècre). Seul le héros s’en sortira, évidemment. On verra comment…
Points forts
- Marie Tudor est l’une des rares pièces de Victor Hugo écrites en prose, mais quelle prose ! La langue n’a pas pris un ride et on se régale.
- La tragédie mise en scène au Théâtre du Nord Ouest est parfaitement servie par la configuration même du théâtre : absence totale de décor ou d’artifices, tout est noir, tout est inquiétant, tout évoque l’envers des fastes de la cour. Les cachots malsains de la Tour de Londres ne sont pas loin…
- Très fidèle au classicisme (ce qui, on le sait, agaçait le mouvement romantique dont Victor Hugo avait pourtant pris la tête), la pièce campe d’emblée l’intrigue, les personnages et les sentiments qui les animent.
- Toutes les passions sont exprimées, mais on est surtout ému par celle des comédiens au service d’un texte que peu se donnent la peine d’apprendre et de mettre en scène avec tant de fidélité. Bravo donc à Pierre-François Kettler, acteur, écrivain et metteur en scène, qui a su tirer profit du décor naturel de ce théâtre.
- Deux rôles qui ne sont pourtant pas les plus importants sortent du lot : celui de Joshua le bourreau (David Malet) et celui du mendiant juif (Frank Delage), tous deux excellents.
Quelques réserves
- On déplore un certain amateurisme, aussi bien dans le jeu que dans la mise en scène. Il faut dire que Ludovic Coquin, qui devrait tenir le rôle de Fabiano Fabiani, a été récemment victime d’un accident et qu’il est remplacé par un jeune acteur encore obligé, le soir où j'y suis allée, de lire son texte…
- Les deux femmes sont déroutantes : on ne croit pas à la duplicité de Jane, une bonne fille un peu tombée de la lune. Quant à la Reine Marie, dont le jeu est certes enthousiaste, elle gagnerait à être moins débraillée. Un peu plus de tenue et de hauteur « royales » ne sont pas incompatibles avec l’expression de passions violentes et mouvantes…
Encore un mot...
Malgré la longueur du spectacle (2h40) voilà l’occasion d’entendre, sans un moment d’ennui, un auteur inégalé dans une pièce qui donne envie de se plonger dans l’histoire de l’Europe au XVIe siècle (et de redécouvrir Victor Hugo...).
Une phrase
Celle que, dit-on, François Ier fit graver sur un vitrail de Chambord et qui décrit le comportement de Marie Tudor : « Souvent femme varie, bien fol qui s’y fie ».
L'auteur
Ici n’est pas le lieu pour une biographie de Victor Hugo, dont même les enfants savent qu’il est l’un des géants de la littérature mondiale, à la fois romancier, poète et dramaturge sans oublier l’homme politique engagé. Mais on peut rappeler quels sont les grands thèmes hugoliens qui, comme chez ses maîtres tels Shakespeare, Corneille ou Molière, ont nourri et soutenu l’ensemble de son œuvre… Avec son goût de l'épopée, des hommes aux prises avec les forces de la nature, de la société, de la fatalité, Hugo a pris des positions politiques complexes et pas toujours cohérentes (il sera successivement nommé à la Chambre des Pairs, puis député, d’abord légitimiste puis adhérent au mouvement de la gauche, opposé à Napoléon III ). Ses écrits reflètent ses idées progressistes et son obsession à pourfendre l’injustice sociale; on se rappelle son acharnement à dénoncer la peine de mort.
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