Mangez du pain, vous vivrez bien !
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Thème
• Des jeunes, qui se disent voisins, se rencontrent chez l’un ou l’autre, se souhaitent la bienvenue et nouent d’étranges relations faussement joviales. Ils s’aiment parfois – mais sans pouvoir faire l’amour « normalement, pour de vrai » - et se quittent, mais surtout s’affrontent et affrontent des technologies absurdes et les « nouvelles normes » qu’on leur impose. Une application mystérieuse qui semble être de rencontre, un robot défouloir qui permet d’extérioriser sa colère, des jeux de rôle, une poubelle connectée tyrannique, un frigidaire qui ne l’est pas moins, octroyant à chacun un crédit limité en matière de nourriture, tous ces objets les aliènent, font dérailler leur existence, détruisant chez eux tout sens de la fraternité et de la solidarité.
• Dessin des horreurs futures et de l’hystérie qu’elles produisent, cette dystopie est inscrite dans la familiarité et une proximité temporelle qui la rendent d’autant plus inquiétante. Elle met en scène une société déshumanisée en proportion des destructions qu’elle a infligé au monde et des règles absurdes ou impérieuses qu’elle s’impose à elle-même.
Points forts
• Les interludes muets au cours desquels Léo à la cravate rouge, sorte de Sganarelle de l’absurde, est aux prises avec des objets du quotidien : un grille-pain érotisé, un aspirateur capricieux, un sèche-cheveux transformé en arme de destruction massive, sont d’un théâtre corporel et gestuel à la fois réjouissant et inquiétant.
• On appréciera aussi les moments de poésie trash avec notamment la chanson : « Je veux avoir le temps de n’être ni vieux ni sage ».
Quelques réserves
• C’est confus, brouillon, trivial parfois, embarrassant souvent. On comprend mal ce qui se passe au début, et à nouveau avec la scène du ponçage des chaises, puis la dramaturgie gagne en force et en intensité et, finalement, ces faiblesses sont incorporées au régime général de la représentation, accentuant la désorientation du spectateur.
• L’outrance du jeu peut à certains moments agacer ou gêner, mais elle participe du grand déballage qui est ici à l’œuvre et fait fonctionner l’absurdité mécanique de la pièce.
Encore un mot...
Au carrefour entre Les Choses et la Vie mode d’emploi de Pérec, 1984 et le théâtre d’Adamov, Mangez du pain fouille le malaise contemporain à partir de petites choses délibérément pauvres. Ce spectacle passionnant, qui pose un regard critique sur la société contemporaine jusque dans les procédures d’une démocratie directe dévastatrice, met très profondément mal à l’aise et, pour cette raison, mérite qu’on y aille. Ce qui se passe sur scène est déroutant et parfois d’un comique à pleurer qui ne rend pas heureux mais est salubre…
Une phrase
« Les gens qui choquent on s’en souvient. Et même souvent on les retient parce qu’ils sont originaux. »
L'auteur
• L’écriture collective menée par la Compagnie du Bouillon dit assez ce qu’est l’esprit de cette association présidée par Fanny Bouquet. La compagnie est jeune à deux titres : parce qu’elle a été créée en janvier 2020, et parce qu’elle est composée de très jeunes gens dont on peut subodorer qu’ils se sont rencontrés dans quelque institution universitaire ou artistique.
• Actifs depuis 2018, les comédien.nes ont commencé à travailler sur "La nuit juste avant les forêts" de Bernard-Marie Koltès. Ils ont été lauréats du Prix étudiant et de la Mention spéciale du jury au Festival Nanterre sur scène en 2021.
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