Mademoiselle Chanel en hiver

Chanel revisitée en Suisse

Thierry Lasalle

Durée : 1 heure 30

Mise en scène

Anne Bourgeois

Notre recommandation

4/5

Infos & réservation

Théâtre de Passy

95 rue de Passy

75016

Paris

01 82 28 56 40

Du 13 janvier au 2 avril 2023, du mercredi au samedi à 21 heures, le dimanche à 16 heures

Nous sommes à l’ hiver 1946 et Mademoiselle Chanel, en coquetterie avec le gouvernement français pour avoir fréquenté avec assiduité un officier allemand, se retrouve à Lausanne en compagnie de Paul Morand, ancien ambassadeur lui aussi exilé.
La première dicte au second ses mémoires. Mademoiselle Chanel a des états d’âme : elle s’ennuie, ce qui est fort contraire à sa nature.

Le jeu épatant de Caroline Silhol, immuable avec sa silhouette de fil à voile, “à la garçonne“, et celui de Christophe Barbier, aussi à l’aise lorsqu’il évolue sur une scène que lorsqu’il commente l’actualité sur un plateau télévisé.
Le décor et les costumes sont recherchés. L’ensemble est délicat et esthétique. La mise en scène est soignée.
Le texte est redoutable de cynisme et de férocité. Certes, mademoiselle Chanel n’avait pas la réputation d’avoir sa langue dans sa poche, mais là, elle nous gâte ! Et comme elle se barbe à cent sous de l’heure dans son palace, tout le monde en prend méchamment pour son grade. C’est délicieux.
Il est assez attrayant de constater combien la morale importe peu à cette reine de la mode : certes, son amant est un officier allemand, et qui plus est, un criminel de guerre, et après ? Est-ce une raison suffisante pour l’obliger à croupir en Suisse ?
Cette pièce fait ressortir un autre trait de caractère de Mademoiselle Chanel : son inaptitude au bonheur, ce dont elle est parfaitement consciente. Eternelle insatisfaite, elle est incapable de profiter de l’instant présent, et ronchonne inlassablement mais avec tant de drôlerie et de cruauté !

Le jeu un peu statique de l’officier allemand. La proverbiale raideur teutonne n’excuse pas tout.

Cette pièce intelligente est aussi remarquable par ses dialogues ciselés et formidablement adaptés aux personnages.
Ce spectacle est une réussite. Un grand bravo.

Un aphorisme : « Conserver de la distance permet de supporter la vérité. "
Le sentiment de Chanel sur Picasso : « Il aime comme il peint, de façon un peu cubiste ! »
Sur elle-même, elle est sans douceur : « En 1926, j’avais du talent, en 1946, j’ai soixante ans… »
Cette étonnante réflexion sur un suicide raté : « Quand on veut mourir, on ne se rate pas. Il faut couper tout droit. C’est comme pour le tweed : toujours tout droit ! "

Thierry Lassalle (1953) est un artiste touche-à-tout, à la fois écrivain, cinéaste et metteur en scène.
Il a participé à de nombreuses séries télévisées, dont Alice Nevers, Commissaire Valence, Mes amis, mes amours, mes emmerdes.
On lui doit aussi plusieurs pièces de théâtre, dont Un bébé pour deux (2013), Portrait caché (2016), Tableau de famille (2017) et Mademoiselle Chanel (2023).