L'un de nous deux
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Thème
Il s'agit d'un dialogue imaginé par l'auteur, entre Georges Mandel et Léon Blum, emprisonnés ensemble en Allemagne près de Buchenwald pendant près de 14 mois. Nous sommes ici fin juin 1944. Les deux politiciens nous font part de leurs aspirations, leurs réalisations, leurs rapports au pouvoir et leur idée de l'avenir de la France. L'assassinat de Philippe Henriot les confronte à leurs destins puisqu’en représailles, Georges Mandel sera livré par les Allemands à Vichy et assassiné par la milice.
Points forts
- Le texte est magnifiquement ciselé. On n'en attendait pas moins de Jean-Noël Jeanneney, qui est historien avant d’être romancier.
- la juxtaposition des deux caractères est très réussie : il y a l'homme de droite, quelque peu rigide, incisif, manichéiste, refusant la moindre compromission, campant férocement sur ses positions et face à lui, le socialiste, tout en rondeurs, bonhomme, cent fois plus souple et prêt à s'adapter pour le bien du peuple. Mais ils ont en commun cette relation particulièrement forte qu'ils entretiennent avec leur supérieur, Clémenceau pour l'un et Jaurès pour l'autre.
- les comédiens sont remarquables : Christophe Barbier sans sa casquette d'analyste politique, est surprenant de vérité ; Emmanuel Dechartre compose un Blum paternaliste, évitant autant que possible les conflits, avec une grande justesse et un indéniable talent.
- la mise en scène est soignée et sert le déroulement de la pièce : la projection sur un grand écran des scènes extérieures du camp, avec ces photos tachetées de noir et les commentaires à la voix nasillarde imitant les débuts du cinéma parlant est une excellente idée.
Quelques réserves
- La pièce est un peu trop longue. J'aurais raccourci la séance d'un quart d'heure parce que le texte est extrêmement dense, touffu même.
- Ainsi avec ces propos qui s’enchaînent sans aucun temps mort il n'y a aucune aération et on sort de la pièce épuisé.
Encore un mot...
Cette superbe fresque historique mettant en lumière le contexte de l'époque est servie à la fois par un dialogue raffiné et des comédiens qui vivent pleinement leurs personnages. L'ensemble est fort réussi.
Une phrase
Tout dans ce dialogue est matière à citation :
"Quand le réalisme s'efface, les paroles sont creuses et les efforts sont vains"
Et Clémenceau, dans un de ses carnets, peu avant sa mort : "Les juifs vont-ils au paradis ? Cela m'embêterait d'être séparé de Mandel".
L'auteur
Jean-Noël Jeanneney est un homme politique qui a exercé un certain nombre de missions publiques à l'époque du gouvernement de François. Mitterrand. Il a été président de Radio France, puis président de la bibliothèque nationale de France.
De 1977 à 2011, il a été professeur d'Histoire politique à Sciences Po. Il propose actuellement chaque samedi l'émission "Concordance de temps" sur France Culture.
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