L’Ile des esclaves
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Thème
- Iphicrate, Arlequin, Euphrosine et Cléanthis font naufrage sur l’île des esclaves. Trivelin, leur hôte, leur expose les règles sociales en vigueur sur ce territoire : ici les rôles (et les noms) s’inversent, et les serviteurs deviennent les maîtres !
- Ce changement de situation, qui réjouit Arlequin et Cleanthis, est évidemment lourd de bien des menaces pour leurs “maîtres“. Trivelin demande à Cléanthis de dresser un portrait de sa maîtresse afin que « l’intéressée se connaisse, qu’elle rougisse de ses ridicules, si elle en a, et qu’elle se corrige. »
- Euphrosine, comme Iphicrate bientôt soumis à même épreuve, se rebiffent d’abord, répugnant à reconnaître leurs torts. Mais la bienveillance paternelle de Trivelin, qui modère les ardeurs de la rancunière soubrette et du serviteur blessé et en appelle au pardon plutôt qu’à la revanche, étouffe bientôt les arrêtes acérées du conflit.
Points forts
- Théâtre du raffinement et de la rigueur, qui ne tient que par l’implacable nécessité de chaque réplique et de chaque mot, cette pièce de Marivaux est vive et drôle et d’un esprit pénétrant inégalable.
- Ses personnages, “types“ humains et sociaux, peuvent être érigés au statut de mythes, dont les tribulations ont une valeur hautement didactique, sans pourtant jamais être pesants.
Quelques réserves
- Les premières scènes augurent mal de la suite : le mime du naufrage frise le grotesque, et le coup de projecteur donné sur Arlequin d’abord puis Euphrosine ensuite paraît gratuit.. A mesure que la pièce avance, les choses s’arrangent.
- Le décor est inutilement surchargé de cordages censés évoquer un univers maritime et les costumes qui tentent de “faire époque“ auraient gagné à être plus sobres : le collier de l’une et l’épée de l’autre suffisant amplement à figurer leur position sociale.
Encore un mot...
- L’inversion des rôles comme procédé de démonstration, le mensonge amoureux qui permet de faire émerger la vérité des rapports humains, ces dispositifs sont classiques chez Marivaux. Que les maîtres deviennent des serviteurs et les serviteurs des maîtres, voilà qui est ici d’une efficacité vertueuse.
- On notera que c’est une femme, Cleanthis, qui endosse le vêtement de la révolte, quand son alter ego en servitude, Arlequin, préfère la bonhommie et la conciliation, incarnant à lui seul toutes les vertus sociales du petit peuple. Car, comme toujours chez Marivaux, les conflits sociaux sont réglés par la bonne volonté des uns et des autres, et l’harmonie revient, pour le meilleur...
Une phrase
Cléanthis : « Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, et qui nous regardent comme des vers de terre ; et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour mérite que de l'or, de l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd'hui, si nous n'avions point d'autre mérite que cela pour vous ? »
L'auteur
- En 1725, Marivaux bouscule la hiérarchie sociale et propose, avec L’île des esclaves, une comédie d’un genre déjà éprouvé, dans laquelle la vérité jaillira du personnage d’Arlequin.
- Cette pièce, que Marivaux comptait au nombre de ses œuvres préférées, reçut d’emblée un accueil enthousiaste et n’a pas cessé - sauf au XIXème siècle - d’être jouée depuis sa création.
- Les nouveaux rapports de servitude qu’elle expose sans fards témoignent avec éloquence du projet de Marivaux : il s’agit pour la comédie de “châtier les mœurs“ en riant.
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