L’Etranger
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Thème
Dans l’Algérie française d’avant-guerre, Meursault a suivi sans chagrin l’enterrement de sa mère, et reprend aussitôt l’écoulement tranquille et plat de sa vie à Alger, entre sa petite amie, Marie, le restaurant où il déjeune, son travail d’employé de bureau, ses voisins.
Il intercède pour Raymond Sintès, petit proxénète, auprès de la police. Celui-ci l’invite pour le remercier à une journée de plage. Un petit groupe d’Arabes, conduits par le frère d’une ex-maitresse de Sintès, les y attend. S’ensuit une bagarre sans gravité. Meursault, plus tard, ivre de soleil, croise seul un des Arabes. L’autre sort un couteau ? il le tue d’un coup de pistolet ! Puis, sans raison, tire quatre fois sur le corps à terre.
Au procès, son apparente indifférence à la mort de sa mère choque les juges et le public plus que le meurtre lui-même. Mais qui est donc cet assassin sans larmes qui semble étranger au monde des hommes ?
Points forts
Sur les six mètres carrés de scène qui figurent la cellule où il croupit, Nordine Marouf raconte, comme le Meursault du roman d’Albert Camus, sa version de l’histoire. Le comédien dit, où plutôt “vit” le texte magnifique de l’écrivain, et c’est la force du spectacle de voir s’animer sous nos yeux ce personnage déroutant. On sent l’ennui sur son visage quand il sacrifie au rite des funérailles ; la surprise dans sa voix devant les réactions mitigées qu’il suscite ; l’accablement physique sous le soleil ; la poésie, la beauté, la sensualité simples qu’il exprime devant un ciel, la mer, un bain, le corps de Marie ; son absence aux émotions, aux désirs, aux exigences des autres. A la fin, on se lèverait presque de sa chaise pour secouer Meursault-Marouf aux épaules : “Réveille-toi, repent-toi, dis-leur ce qu’ils veulent entendre ou ils vont te couper la tête !” Et rien. Le voilà qui s’étend sur son grabat puis s’endort. L’interprétation du roman à la scène est prenante, vraiment réussie.
Quelques réserves
Inconditionnels des fauteuils et des salles de théâtre confortables, méfiez-vous : la pièce se donne en sous-sol dans une belle salle voutée ornée d’un piano droit, avec des chaises, quelques tables de bistrot et des banquettes ; le dernier arrivé risque de s’assoir sur les marches de l’escalier ; l’acteur joue pratiquement au milieu des spectateurs. Pour mon goût, c’est plutôt un point fort, mais on n’est pas forcé d’aimer...
Encore un mot...
Nordine Marouf avait déjà donné l’Etranger à Paris, en 2013, dans une interprétation, nous dit-il, assez différente. Il est le premier à avoir adapté le livre à la scène, grâce à la bonne volonté des ayants droits qui l’ont autorisé à faire “tenir” le texte original dans les 80 minutes du spectacle, en sélectionnant l’essentiel.
Outre le métier de comédien, Marouf exerce aussi celui de professeur d’art dramatique. Heureux élèves : son amour de la langue, son exigence font plaisir à voir.
Une phrase
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. » (La phrase, archi-connue, ouvre le roman. Tout le personnage est là.)
L'auteur
Publié en 1942, l’Etranger est le premier roman d’Albert Camus. C’est aussi la première manifestation du principe camusien de “l’homme absurde” selon lequel l’individu doit se définir face au vide tragique de la condition humaine, dès lors qu’il rejette la solution de l’explication divine. L’écrivain s’est expliqué sur son personnage : « Il refuse de mentir. Mentir, ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi, c'est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu'on ne sent. C'est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée… ».
Un rappel pour les cinéphiles : le roman a été adapté par Luchino Visconti en 1967, avec Marcello Mastroianni dans le rôle de Meursault.
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