Les Parisiens

Exercice foutraque d'auto-flagellation
De
Olivier Py
Avec
Jean Alibart, Laure Calamy, Philippe Girard
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

Adaptation, par Olivier Py lui-même, de son roman éponyme,  Les Parisiens retrace le parcours d’Aurélien, un petit provincial aussi beau qu’arrogant et sans scrupule, qui n’a qu’une obsession : subjuguer Paris par ses mises en scène, et, pourquoi pas,  décrocher la direction d’une Institution prestigieuse. 

Pour atteindre son objectif, le jeune Rastignac usera de toutes les armes, même des moins glorieuses et avouables. Il  deviendra, en autres,  l’amant officiel d’un chef d’orchestre célèbre et se galvaudera dans de nombreux milieux  décrits, ici, comme sans foi ni loi; celui, notamment, des politicards assoiffés de pouvoir, celui des hommes d’affaires véreux, ou encore, celui, plus interlope, de la prostitution et de la transsexualité. 

L’ascension d’Aurélien s’accompagnera  donc d’une descente vertigineuse au plus profond de la compromission  et de l’abjection, dégringolade au cours de laquelle le héros rencontrera ceux qu’il appelle les « Parisiens », et  dont le moins qu’on puisse dire est que, question moralité, dignité et courage, ceux-là -pour qui a un odorat développé- ne sont pas à prendre avec des pincettes.

Points forts

Pour qui aime les récits peuplés d’ogres et de monstres, ces Parisiens sont une aubaine, car voilà une fresque,  comme une hydre, qui charrie toute  une humanité  bien peu ragoûtante ! Des ministres, des notables, des créateurs, des artistes, des dirigeants du CAC 40, des actrices, des journalistes, des transsexuels,  et même des prélats, bref, de tous ceux qui  s’y bousculent , tous sont scandaleux à des titres divers. Olivier Py les dépeint, sans fard, dans toutes leurs turpitudes. Et ce qu’il dévoile de leurs vies, et surtout des dessous de celles-ci, n’est  pas « joli joli ». L’écrivain n’omet rien de leurs noirceurs, car il les traque  partout, jusque dans leurs orgies, parce qu’à en croire l’écrivain,  chez ces gens-là (comme aurait dit Jacques Brel), le sexe tient une place folle, pour ne pas dire prépondérante.

Les scènes, même les plus lyriques et  les plus osées respirent le vécu. Elles  sont  pour beaucoup, savoureuses, truculentes, ironiques et mordantes.

Sur le plateau, comme dans un grand magasin bien connu, ils se passe toujours quelque chose, et  toutes les séquences  s’enchaînent à un rythme effréné. On n’a jamais le temps de reprendre ni son souffle, ni ses esprits. Ça court, ça parle, ça pérore, ça hurle, ça entre, ça sort,  ça se congratule, ça baise, ça se sodomise aussi (beaucoup d’ailleurs, un peu trop sans doute) dans un tournoiement incessant de 4heures 30 (excepté, bien sûr pendant l’entre-acte...).

Sol dallé noir et blanc, murs de façades haussmanniennes, praticables   géants…La scénographie de Pierre-André Weitz est splendide. Elle évoque le théâtre de tréteaux et offre de belles circulations aux acteurs.

Ces derniers sont une dizaine, qui interprètent une vingtaine de rôles. En écho à la démesure du texte,  ils portent haut leur voix.  Même s’ils manquent de nuances (surtout dans la première partie), leur énergie et leur fantaisie estomaquent.

Deux musiciens, un accordéoniste et un pianiste, contribuent à soulever la représentation.

Quelques réserves

Comme souvent dans les textes délirants et baroques, le pire est embarqué dans le flot du meilleur. Celui d’Olivier Py n’échappe pas à ce travers. Parfois, sa plume s’emballe, et elle dérape alors dans le narcissisme, la caricature, l’hyperbole, le poncif et  la mauvaise foi.

Encore un mot...

Il est impossible de rester impassible devant ce spectacle impétueux et brillant  truffé de réflexions sur le pouvoir, la foi, le mysticisme, la littérature et la sexualité. Ça l’est d’autant moins que les personnages qu’il met en scène ont tous existé  (ou  existent encore),et que, pour qui connaît un peu le milieu politico-culturel parisien, il est facile de les reconnaître, à commencer par le premier d’entre eux. Car cet Aurélien, dont Olivier Py nous retrace ici la tumultueuse épopée, c’est bien sûr lui-même.  Certes, le dramaturge  étrille et éreinte ses compagnons de route, mais  il ne s’épargne pas, qui affiche, en vrac,  au risque de choquer et de déplaire, son homosexualité débridée, son goût démesuré pour la sodomie, son  ambition insatiable, son mysticisme masochiste et sa revendication provocante d’une totale liberté. 

Au fond, on a l’impression que l’actuel patron du Festival d’Avignon n’a écrit  toute cette terrible et foutraque  « traversée de Paris » que pour se mettre à nu et se faire flageller.  La confession pour gagner la rédemption !  Bien vu ! 

Certains le traînent dans la boue. Mais d’aucuns, malgré les boursouflures, les provocations et les redondances  de son texte, lui donnent l’absolution. Les spectateurs semblent être de ceux là. Ils restent jusqu’à la fin de la représentation.

Une phrase

«  Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas attaqué à un récit monstre comme celui de ce  roman, monstre dans la démesure des personnages, des situations, des prises de paroles ! J’aime les monstres et le public aussi !"  (Olivier Py, auteur-metteur en scène).

L'auteur

Metteur en scène de théâtre et d’opéras, dramaturge, comédien, écrivain, poète, Olivier  Py, né le 24 juillet 1965 à Grasse, est, à sa manière, un ogre et un bretteur. Non seulement il dévore la vie sous tous ses aspects, mais il aime à ferrailler sur de multiples fronts : social, politique, dramaturgique, et religieux.

Après Khâgne, il entre, en 1987, au Conservatoire national supérieur d’art dramatique et entame parallèlement des études de théologie. L’année suivante, il signe sa première pièce, Des Oranges et des Ongles. En 1995, il crée à Avignon un cycle de pièces de vingt quatre heures intitulé La Servante. C’est l‘événement du festival. En 1997, il prend la direction du Centre dramatique national d’Orléans, puis en 2007, celle  de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. En 2013, il est nommé à la tête du Festival d’ Avignon.

Artiste prolifique et inclassable, il continue d’écrire et de mettre en scène, soit ses propres textes, soit d’autres, mais qui ont tous la particularité de placer le politique en leur centre. Après Excelsior en 2015, Les Parisiens est le second de ses romans qu’il adapte pour le théâtre.

Paru à l’automne dernier,  Les Parisiens, avait été  (brillamment) chroniqué le 28 septembre 2016 par Yann Kerlau dans Culture-Tops.

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