Les Méfait du tabac

De
Floriane Bonanni
Scénographie de Delphine Sainte-Marie; Costumes Christian Lacroix; Lumières Stéphanie Lacroix
Mise en scène
Denis Podalydès
Avec
Michel Robin, Floriane Bonanni Muriel Ferraro et Emmanuelle Swiercz
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis boulevard de la Chapelle
75010
Paris
0146073450
ATTENTION : fin des représentations, le 12 avril

Thème

Un homme monologue face à un public auquel il est censé, sur ordre de sa femme, donner une conférence sur "les méfaits du tabac". En fait, il profite de l'absence de cette dernière, propriétaire d'une école de musique et harpie "avare, hargneuse et méchante" pour parler de lui. Autour, occupant la scène, trois musiciennes jouent et chantent. Qui sont elles vraiment ? Quel est leur lien avec le texte ? 

Points forts

1 Peut on parler de pièce tant cette unique scène de Tchekhov est courte ? Plutôt, d'un condensé de vie, absurde et pitoyable, d'un cri de colère entrecoupé de saillies comiques ajoutant au pathétique du récit. Le texte raconte beaucoup de Nioukhine (le personnage) en peu de lignes. Un constat d'échec que rien ne peut alléger. 

2 Ce texte est parfaitement doublé des silences et des pantomimes de Michel Robin (Nioukhine) qui nous comble aussi de sa remarquable diction. Il suffit de le voir évoluer à petits pas, massif, poétique et facétieux pour être captif de son jeu. (Il est délicieux, assis sur une chaise grignotant une carotte...) 
Son extraordinaire présence semble pouvoir se passer des mots lorsque la musique prend la relève de sa voix pour exprimer et refléter l'instant joué. La charge dramatique atteint alors son apogée. Michel Robin-Nioukhine, infiniment attendrissant et pathétique, se meut par ses seules expressions et attitudes en l'apparence même de la souffrance enfermée en lui.

3 En double face du spectacle imaginé par Floriane Bonanni, la musique de Bach, Tchaïkovski, Berio et encore Bach accompagne le texte comme prélude, dialogue et final. Ces pièces musicales sont autant de révélateurs de ce que Nioukhine ressent et de ce qui se passe sur scène. Chacune d'elle traduit, renforce ou allège l'émotion poétique et dramatique.

Leurs interprètes féminines, véritables actrices du texte, nous offrent des moments musicaux et scéniques de grande qualité. 

4 La mise en scène de Denys Podalydes et la scénographie de Delphine Sainte-Marie sont impressionnantes ! Le décor d'abord. Devant un rideau rouge flamboyant, plissé et déchiré, un grand piano noir laqué, quelques chaises, partitions et étuis à violons. Presque rien. Le reste est sombre dans l'écrin du théâtre des Bouffes du Nord, splendidement laissé à l'abandon. Pourtant, nous sommes dans la Russie de Tchekhov en 1902, nous le sentons, les costumes l'attestent, les coiffures des femmes aussi. La solitude est partout, l'immobilité règne. Seul Nioukhine anime l'espace traçant à petits pas sonores des circuits qui ne mènent nulle part. Les musiciennes dont on ne sait qui elle sont, s'inscrivent dans le décor. C'est la musique qui leur redonne vie. 

Quelques réserves

Le genre est magistralement traité et seul, le parti pris des longs silences et de la lenteur peut sembler ralentir à l'excès le déroulement de l'ensemble.

Encore un mot...

Un spectacle hors du commun. 
Tcheckhov et la musique, un grand acteur à l'élégante stature, trois interprètes féminines et un décor nous envoûtent.

Ou pour le dire autrement, on sort de ce concert-monologue embarrassé de savoir comment dire en quelques mots ce qui nous a tellement emportés. C'est qu'ici la magie a opéré. Comment raconter la magie ? Allez aux Bouffes du Nord voir et écouter, sentir et vous me direz ! 

L'auteur

Anton Tchekhov a écrit cette scène monologue en un acte, en 1902.

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