Les Gratitudes

Des mots en cas d’émergence
De
D’après Les Gratitudes de Delphine de Vigan
Mise en scène
Fabien Gorgeart
Avec
Laure Blatter, Catherine Hiegel, Pascal Sangla
Notre recommandation
5/5

Infos & réservation

Le CENTQUATRE
5 rue Curial
75019
Paris
01 53 35 50 00
Jusqu’au 25 novembre. Du Lundi 13 au samedi 18 à 20h, dimanche 19 à 17h. Du Mardi 21 au samedi 25 à 20h.
Le spectacle est présenté dans le cadre du Festival d'automne à Paris
Du 29 novembre au 9 décembre au théâtre des Célestins, Lyon. Le 12 décembre au Théâtre Cinéma de Choisy-le-Roi et les 19 et 20 décembre à l'Espace 1789 de Saint-Ouen

Thème

  • Tout commence par un quiz musical qui égrène quelques jolis classiques de la chanson française, puis Michka, ancienne parolière de chanson, entre en scène et entonne un morceau, dernier sursaut dans l’aphasie c’est-à-dire la perte des mots qui la frappe. 
  • Contrainte de se réfugier dans une Ehpad, elle est prise en charge par Jérôme, un orthophoniste qui tente de ralentir le processus de désarticulation de sa langue. 
  • Marie, une jeune femme qu’elle connait depuis l’enfance, lui rend des visites régulières afin de la distraire de cette vie minuscule aux horaires trop bien réglés que l’institution réservée aux “vieux“ devenus dépendants et du rétrécissement général des contacts avec les autres qui caractérise la fin de vie. 
  • Michka décide alors de retrouver le couple qui a l’accueillie et cachée pendant la guerre, afin de leur témoigner sa gratitude.

Points forts

  • Le spectacle flotte avec grâce entre la chambre de l’Ephad et les rêves de Michka, les chansons et la danse, entre la réalité et l’illusion, évitant la complaisance. L’émotion est contenue, affleurante et délicate mais sans pathos, économe en somme. Le rythme en est parfait : chaque scène dure juste le temps qu’il faut.
  • Catherine Hiegel est magistrale jusque dans la défaite : touchante et drôle sans jamais inspirer la moindre commisération.
  • Le décor est réduit à l’essentiel - un fauteuil en tissu gris, une console de musique roulante où le musicien Pascal Sangla joue des mélodies en direct et un fond de scène lumineux – et suffit au cadre de cette tragédie ordinaire.
  • Les chansons qui émaillent le spectacle sont joliment interprétées par Laure Blatter.

Quelques réserves

Aucune.

Encore un mot...

  • C’est aussi une pièce sur la transmission et les continuités. Les générations qui se côtoient sont encombrées de non-dits ou de mots malheureux : les parents de Michka, disparus, les gens qui l’ont accueillie, Jérôme et son père dont les paroles l’ont blessée, Marie et son enfant à venir.
  • Au cœur de la pièce, le naufrage qu’est la vieillesse, plus poignant encore quand il affecte l’esprit. Parce que nous sommes humains, le langage est pour nous capital. Pas seulement parce qu’il nous sert à « communiquer » : lorsque Michka dit « merdi » au lieu de merci ou « d’abord » au lieu de d’accord, on la comprend fort bien. La poésie que la dislocation fait surgir est d’ailleurs à la fois émouvante et amusante, tant que les mots sont possibles… On ne prononcera plus jamais les mots « lampe torche » ou « cocotte-minute » de la même façon après avoir vu cette pièce !
  • L’aphasie est terrible parce que les mots, la circulation des mots, la musique des mots est précisément ce qui fait notre humanité, pour le meilleur et pour le pire. Parce que les paroles que nous échangeons fondent une partie de nos rapports aux autres et qu’avec leur évanouissement c’est l’humanité qui disparait à chaque fois. « Sans le langage que reste-t-il ? "

Une phrase

Marie : « “Je suis sûre que tu vas te faire des copines”. J’essaye de la réconforter, mais chaque phrase est une insulte à la femme qu’elle a été. »

Sur le dévouement : « On dit non au pire et puis après on n’a plus le choix. On ne doit pas être vaniteux de ces choses. »

L'auteur

  • Romancière, scénariste et réalisatrice, Delphine de Vigan est l’autrice de plus de dix romans, maintes fois couronnés (prix des libraires en 2008 pour No et moi ; prix Renaudot des lycéens en 2011 pour Rien ne s’oppose à la nuit ; prix Renaudot et Goncourt des lycéens en 2015 pour d’Après une histoire vraie, adapté au cinéma par Roman Polanski en 2017). 
  • Elle a co écrit les scénarios de quatre films et a elle -même réalisé un film, A coup sûr en 2014. 
  • La version espagnole de son roman Les gratitudes a reçu le prix Zilarrezko Euskadi, de l'Association des libraires de Guipuscoa (Pays Basque) en 2022. Ce texte, conçu pour être un roman, elle en a espéré et souhaité l’adaptation au théâtre.

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